Vidar Sundstøl est originaire du Telemak, bla bla bla, il a vécu en Norvège, bla bla bla, en Egypte aussi, bla bla bla, il a publié la trilogie du Minnesota, bla bla bla, dont Corbeaux est le dernier volet, bla bla… quoi ? Le dernier volet ? Et bam ! Voilà qui m’apprendra une fois de plus à choisir mes livres distraitement, sur une intuition ou une musicalité particulière du titre.
Je n’ai pas Terre des rêves (le premier), et encore moins Seuls les morts ne rêvent pas (le deuxième). Mais puisque j’ai Corbeaux (le troisième) entre les mains et qu’il est l’heure des librairies fermées, je prends donc la folle décision de commencer quand même. Au pire, je m’endormirai dedans le cerveau ramolli d’histoires dont j’ai raté le début.
L’histoire commence dans la chambre d’Inga Hansen, triste pensionnaire d’une maison de retraite planquée à Duluth, petite bourgade plantée au bord du lac Supérieur dans le Minnesota. Elle lit une carte postale reçue de son cher fils (Lance), parti en vacances en Norvège, sur les traces de ses ancêtres. Jusque là, tout va bien. J’arrive à suivre. Elle contemple le lac. La neige. Le froid. Une grand-mère dans une maison de vieux. Elle tricote une écharpe pour tromper l’ennui.
Deuxième chapitre, on va rejoindre le fameux Lance, qui n’est pas du tout en Norvège. Il bulle dans un hôtel que j’imagine tout pourri. Mais qu’est-ce qu’il fabrique ? Il est bien temps que je me pose la question, l’histoire a commencé sans moi. Mais elle m’attend. A grand coup de souvenirs et de vagues digressions, je reconstitue le fil des évènements. Lance s’est fait choper par son frère à le viser lors d’une chasse au caribou (au renne ? un grand truc à cornes qui vit dans la neige). Il le visait parce qu’il le soupçonnait (et le soupçonne toujours) d’être un espèce de grand malade mental, entre le meurtrier et le violent conjugal.
Lance est un policier inactif (à la retraite ou suspendu ? Ou en congés ?), qui cherche toujours le meurtrier de ce pauvre touriste. Soupçonnant son frère, Lance a les moyens de sortir l’innocent de prison. Oui mais si c’est pour mettre son frère à la place, Maman risque de faire une crise d’apoplexie ou un malaise au nom imprononçable. Alors quoi ? Il lui faut des preuves. Et ce vrai-faux voyage en Norvège lui fournit le prétexte pour s’éloigner et enquêter de son côté.
Pas évident d’avoir cette position dans la famille, sa conscience le martèle régulièrement. C’est quand même son frère et le père de sa nièce adorée. La réponse à ses questions arrive dans un rêve, toute floutée évidemment. Mais il poursuit sa petite enquête qui le mènera forcément au-delà de ses soupçons.
Après une première rencontre déçue avec le livre, je me suis finalement laissée entraîner dans les méandres de la conscience de Lance Hansen, j’ai suivi ses doutes, les tumultes de son âme pour aboutir à la vérité. Loin d’être un livre ennuyeux, bouffi de descriptions métaphysiques destinées à montrer au lecteur à quel point ce Lance est des plus humains, Corbeaux est un roman noir et brillant.
Les corbeaux ne sont pas seulement les messagers des âmes volants au-dessus des cimetières du far ouest, ils sont aussi les rares oiseaux qui résistent à l’hiver, à l’image du personnage principal : sa pugnacité le fait résister à tout. |