Comédie dramatique de Christian Morel de Sarcus, mise en scène de Paul-Antoine Veillon et Mélanie Charvy, avec Jean-Dominique Peltier, Frédérique Van Dessel et Romain Picquart.
"Parloir forcé pour deux emmurés du divorce". Ainsi Christian Morel de Sarcus définit-il sa partition dramatique intitulée "Parloir" qui constitue un huis-clos terrifiant entre deux ex-époux.
Au chevet de leur fils hospitalisé après une tentative de suicide, se déroule le dernier acte d'un drame du divorce dans sa déclinaison la plus tragique, celle où, malgré le temps écoulé, il continue de distiller son venin en broyant les protagonistes pour des raisons différentes.
Entre eux, dix ans après le divorce, rien n'a changé parce que, en sus de leur acrimonie réciproque, les enfants sont au coeur du conflit.
Elle, pour qui le mariage, outil d'ascension sociale et remède à la solitude, a été "une horreur", est ravagée par une haine maladive à l'encontre de celui qu'elle nomme "l'autre" et érige en suppôt du mal, "l'autre, qui nous porte malheur", une haine personnelle dont elle a nourri ses enfants devenus les otages de la furie maternelle.
Lui, incapable de résilience, ne peut se résoudre à cet échec de l'amour, à l'éclatement de la famille et à sa paternité "volée" par un divorce pour faute prononcé à son encontre, ressenti comme une profonde injustice, qui, outre les sanctions pécuniaires, attribuait à sa femme, auteur d'accusations mensongères de mauvais traitements envers les enfants, leur garde exclusive.
Au-delà de l'histoire d'un couple, dont les causes originelles de dissensions ne sont pas totalement révélées et de l'ultime règlement de comptes qui révèle la souffrance impuissante de l'un et la psychose de l'autre, Christian Morel de Sarcus aborde un sujet bien plus grave encore, si tant est qu'il puisse y avoir une hiérarchie dans ce domaine.
Celui du syndrome d'aliénation parentale que subissent les enfants du fait d'un parent qui consacre toute son énergie à une campagne de dénigrement de son ex-conjoint afin de susciter l'animosité et le rejet, voire la haine, et la rupture définitive du lien familial.
La confrontation frontale est d'une violence absolue même si elle se matérialise de manière différente pour chacun des protagonistes.
Elle, d'origine plébéienne et rurale, plutôt ordinaire et vulgaire au sens premeir du terme, déploie une rage autodestructrice et l'énergie viscérale de la louve défendant ses petits en se retranchant derrière l'amour maternel pour justifier la maltraitance psychologique volontaire envers ses enfants ("Mon fils, vingt ans à l'élever contre l'autre").
Lui, écrivain, manie l'arme redoutable que sont les mots et déploie leur puissance meurtrière pour stigmatiser "la gorgone" devenue une "Médée" de banlieue et tenter de faire rendre gorge tout en esquissant un illusoire rapprochement.
Cette immersion d'une férocité sauvage dans l'horreur d'un couple défait, également plaidoyer pour le maintien du lien familial et le rééquilibrage en faveur du père des mesures concernant la garde des enfants, est servie par le jeu incarné des deux comédiens qui campent les géniteurs d'un fils sacrifié (Romain Picquart).
Dans ce énième round conjugal à la redoutable écriture-scalpel, Jean-Dominique Peltier campe parfaitement l'homme défait qui brûle ses dernières cartouches face à Frédérique Van Dessel, comédienne de la trempe des Valérie Dréville et Audrey Bonnet, à l'intensité tragique saisissante. |