"J’ai écrit La sage-femme de Venise pour le plaisir", dit Roberta Rich. L’américaine a commencé par un voyage en Italie, un petit tour à Venise et la visite du ghetto juif. Un coup de cœur plus tard : les aventures d’Hannah Levi entre Venise et Malte autour de 1575. Non, Hannah n’a pas existé, elle est le fruit de l’imagination débordante de la juriste en vacances : Roberta Rich. Rien que ça.

Et ça fonctionne ! Si toutes les bonnes idées finissaient sous une telle plume, il n’y aurait plus de livres ennuyeux, plus de longueurs et d’incompréhensions, plus d’ellipses labyrinthiques… comme La sage-femme de Venise, rien que des petits bijoux d’histoire à dévorer entre deux journées dévorantes.

L’histoire. A chaque fois qu’on en parle, j’ai du mal à comprendre pourquoi une population est parquée parce qu’elle serait une menace, sur quels critères est-elle une menace d’ailleurs ? Et à chaque fois, j’ai du mal à comprendre pourquoi est-ce que la brutalité l’emporte toujours sur la culture. Parce que les juifs ne sont pas plus mauvais que n’importe qui, ils ont intégré l’éducation dans leur culture, les sciences, les innovations, les savoirs pour atteindre la paix… en lieu et place de la guerre et des bains de sang. J’exagère un peu, mais pas tellement. Les innovations en arts et sciences font prospérer les marchands, et le monde n’a pas attendu Goldman Sachs pour être gouverné par l’argent.

C’est là que les juifs représentent une menace. A tel point que l’Espagne les a quasi tous virés, qu’ils ont trouvé refuge un peu partout, et à Venise. Où se situe l’intrigue du roman de Roberta Rich. Les juifs vivent dans leur ghetto et n’ont pas le droit de se mélanger à la faune locale, à grand coups de couvre-feu et de gardiens aux entrées.

Hannah Levi vit seule alors que son mari Isaac est emprisonné à Malte. Il a atteint la route de la soie et se lançait dans l’importation d’épices et de tissus, mais c’était sans compter sur les pirates grouillant dans ces mers. Isaac est d’abord vendu comme esclave, méprisé, frôle plusieurs fois la mort, et je ne sais trop quoi encore (je ne vais pas tout vous raconter quand même !). Mais il garde espoir et met à l’abri ces petits cocons de vers à soie.

Hannah est sortie du lit en pleine nuit par des riches catholiques venus demander son aide pour accoucher une richissime italienne. Petit souci : c’est interdit. Mais elle se laisse finalement convaincre, moyennant une importante somme d’argent (qui pourrait acheter la liberté de son mari). Ces catholiques n’ont pas fait appel à Hannah au hasard. Elle est précédée d’une réputation d’accoucheuse miraculeuse. Ce que la rumeur ne dit pas, c’est qu'elle a mis au point des "cuillers d’accouchement" (terrifiant forceps de nos jours), qu’elle n’utilise que dans l’intimité, quand le bébé a du mal à trouver la sortie.

Quel scandale si on les trouvait ! Elle serait immédiatement accusée de sorcellerie et finirait au bûcher avec la tête en moins. Après bien des douleurs et des difficultés, le bébé tant attendu arrive, grâce aux cuillers d’accouchement. Oui mais elle les perd, non, elles sont volées, pour lui faire rendre l’argent, pour la faire taire, parce que ce bébé qui a eu tant de mal à naître est menacé de mort. Par qui ? Pourquoi ?

Vous suivrez tour à tour Hannah et son mari, laissant l’un pour retrouver l’autre à un moment crucial. De rebondissements en péripéties, ce roman vous laissera hors d’haleine, épuisé mais heureux.