Comédie dramatique d'après Les frères Karamazov de Fiodor Dostoïevski, mise en scène de Guy Delamotte, avec Véro Dahuron, David Jeanne-Comello, Anthony Laignel, Gilles Masson, Timo Torikka, Catherine Vinatier et la participation de Piotr Semak et Laura Malmivaara.
Sur un plateau couvert de neige (superbe scénographie de Jean Haas), le Panta-théâtre propose une version moderne des "Frères Karamazov" qui inclue la vidéo (Laurent Roujol) ainsi qu’un travail sur le son et la lumière saisissant (Jean-Noël Françoise et Fabrice Fontal).
Pour cette adaptation du roman-fleuve de Dostoïevski, Véro Dahuron et Guy Delamotte, s’appuyant sur la splendide traduction du "spécialiste" André Marcowicz, ont choisi de mettre l’accent sur les rapports qu’entretient Aliocha le benjamin avec les autres personnages (ses frères, les femmes…).
Même si le spectacle déjà dense occulte forcément des pans entiers du roman (il était bien-sûr impossible de résumer près de mille pages en 2 heures 30), on reste néanmoins captivé par les personnages qui nous sont présentés et surtout par une équipe de comédiens formidables, tous investis à cent pour cent dans le désir de faire vivre cette sombre histoire et le feu qui l’anime.
Pour les femmes, Véro Dahuron est exceptionnelle en Grouchenka qu’elle joue avec autant de finesse que d’énergie. Toutes ses scènes sont des morceaux de bravoure. Quant à Catherine Vinatier, dans un registre plus intérieur, elle est impeccable.
Chez les hommes, tous sont sensationnels aussi : Timo Torikka est un inoubliable Dimitri à qui il donne une complexité et une émotion formidables. David-Jeanne-Comello est un Aliocha au jeu plein de subtilité et Gilles Masson, un Ivan qui plonge dans la folie. Enfin, Anthony Laignel campe un Smerdiakov inquiétant et trouble avec bonheur.
Tous les six comédiens proposent pendant plus de deux heures et demie, le portrait fort d’une fratrie en plein déchirement et d’individus qui se consument d’amour, de rêves, de remords ou de frustrations…
Guy Delamotte met en scène "Les tentations d’Aliocha" avec une maîtrise fabuleuse, orchestrant avec fluidité les ballets incessants des protagonistes dont un film quasiment sans dialogues projeté sur le mur du bâtiment en fond de scène nous les montre évoluant dans les décors naturels de Russie moderne distillant une sourde et énigmatique angoisse quant au parallèle de cette saga sur le libre arbitre ou les choix d’une vie, avec la société actuelle.
"Les tentations d’Aliocha" plein de bruit et de fureur donne à voir avant tout une impressionnante prestation de groupe et interroge avec acuité le spectateur sur les tréfonds de l’âme humaine, fidèle en cela au chef d’œuvre de Dostoïevski, et comparant les contradictions intérieures des personnages aux affres du siècle présent dont cette adaptation renvoie par le récit bouleversé de cette fratrie en crise un éclairage particulièrement pertinent. |