Si je vous demande la définition du mot conte, après quelques éventuelles confusions homonymiques, vous penserez à une femme qui vit parmi des nains, ou une dormeuse dans le donjon d’un château fort lointain, ou à un criquet-conscience, aux loups bêtes et aux renards malins…
Peut-être songerez-vous aussi à "Scoubidou", "La poupée qui sait tout", à "La fée du robinet", à "La sorcière du placard aux balais" ou au "Géant aux chaussettes rouges". Oui, je parle de Pierre Gripari, une idole de jeunesse cousin de Roald Dahl, entre espièglerie, poésie et humour. Moins coincé que la célèbre Comtesse de Ségur (monopole en son temps), carrément plus fun que la cultissime paire Grimm, moins prise de tête que le singement vôtre Anthony Browne, et moins scolaire que les populaires Philippe Corentin ou Mario Ramos.
Décédé depuis 23 longues années, Pierre Gripari subsiste dans les mémoires pour ses Contes de la rue Broca et Contes de la Folie-Méricourt, c’est ce dernier qui est à nouveau publié, en grand format spécial pour poser sur les genoux et lire sous les draps avec une lampe de poche. Illustré par Claude Lapointe (rien à voir avec Bobby), voila une nouvelle façon de nous plonger à nouveau dans le merveilleux.
La différence entre Pierre Gripari et les auteurs traditionnels, c’est qu’il plante ses histoires dans les décors de sa rue, ses héros sont ordinaires, et qu’il a son propre univers, entre mystique, fantastique et grand n’importe quoi rigolo inspirés de fantasmes d’enfants. Et c’est aussi pour ça que Gripari plaît aux enfants mais aussi aux adultes (qui tiennent toujours par la main les enfants qu’ils ont été), parce qu’il propose du décalé et de l’original.
Actuellement, la littérature de jeunesse a complètement explosé, il y en a pour tous, à tous les prix, des cartonnés aux illustrés sans texte, des textes et des dessins, des mini-romans, des méga géants, des histoires de partout et de nulle part, explorant et magnifiant les genres et faisant aimer les histoires à notre relève… Je me demande si Gripari n’en a pas été l’instigateur, lui qui écrivait d’abracadabrantesques histoires de "Marchand de fessées" (dans une ville d’enfants sages), et qu’il "est moins difficile de faire un bon écolier qu’un bon merle".
Dans les contes de Gripari, les animaux ont du mal à se faire comprendre des hommes, les femmes repassent, les pères regardent la météo (pendant laquelle il faut absolument se taire), les sorcières sont élues Miss Laideur, les accordeurs de piano empêchent les pianos de se dire des gros mots, les fermières ferment et les ouvreuses ouvrent, les sorcières ne sont pas si méchantes que ça, il y en a même une qui change le facteur en congélateur, fabrique des espadrilles, utilise les trous du gruyère pour s’évader de prison…
Je me souviens avoir dévoré les Contes de la rue Broca, les avoir lus et relus avec le même délice à chaque fois, aujourd’hui encore, ils sont une belle madeleine dorée et sucrée. Entrecoupés de contes du monde, Les Contes de la Folie-Méricourt ont le même pouvoir, drôles, cocasses, inoubliables, à lire et raconter aux grands comme aux petits, qui vous applaudiront, en voudront encore le sourire aux lèvres. |