"Il me disait qu’il voyait la musique indienne comme deux lignes horizontales. La première généralement jouée par un tampura symbolisait la basse. C'était un flux, un ton, un tronc. Une racine qui définissait le point d’ancrage de l’harmonie. La seconde représentait la mélodie et ses chemins sinueux. Elle naissait de la première, lui passait dessus, dessous et comme aimantée, revenait toujours sur elle. Il me disait qu’il voulait jouer ses accords préférés à l’intérieur des intervalles qui ressemblaient aux montagnes des Indiens d’Amérique."
C’est sur ce texte répété / ultrascoré 4 fois que s’ouvre Indiamore, le nouveau film/disque de Christophe Chassol. Avec ce premier titre, "Two Lines", et avec Indiamore, on retrouve les obsessions du musicien, en tout cas celles qui motiveront son voyage : le besoin de compléter harmoniquement l’espace entre ces deux lignes : la basse et la mélodie, l’envie d’ailleurs et son amour pour la musique indienne.
Filmé comme un documentaire pendant deux semaines, à la manière d’un documentariste musical, Christophe Chassol après être passé par la Nouvelle-Orléans avec Nola Chérie nous entraîne entre Bénarès la sainte et Calcutta à la rencontre de musiciens indiens. Il y capte la vie, le bruit de la rue, la spiritualité, le mouvement, des sensations humaines, le Gange et y enregistre des musiciens (à la sitare, aux tablas, violon…), des chanteuses, des danseuses mais aussi le tumulte du quotidien indien. Sous ses doigts, le piano trace un trait horizontal entre l’orient et l’occident, entre la musique traditionnelle et la musique pop et un trait vertical entre les lignes de basses et les lignes mélodiques. Il construit un monde nouveau, un univers nouveau. Il harmonise le réel, met des notes, des accords, sur des bruits, des voix, comme l’a fait avant lui Hermeto Pascoal, en fait ce qu’il appelle un ultrascore et magnifie les choses : une prière, des coups de klaxons, une ritournelle rythmique.
Dans cette texture musicale qui s’ouvre à nous, dans ces accords on y reconnaît les influences de Ravel, John McLaughlin, Bernstein, des Beatles ou de Miles Davis, on y retrouve aussi certaines grilles obsessionnelles du musicien se transformant en fonction des morceaux : Sol M / Mi m / Si m / La sus 4 ou La M / Fa#m / Do#m, Si sus 4 par exemple.
Indiamore est une symphonie en quatre mouvements : Vârânasî (Bénarès) / Calcutta / La Spiritualité / La danse, envoûtante et unique. C’est surtout le moyen pour Christophe Chassol de nous faire voyager, rêver, de nous ensorceler, de trouver une certaine alchimie entre les accords, de crier son amour pour la musique indienne et de tout simplement, nous montrer plus d’Inde. |