Identité
: Thomy Keat
Passion : la photographie.
Métier : photographe
Signe distinctif : un oeil qui cherche.
La photographie depuis toujours ou une passion
récente ?
Thomy Keat : C’est depuis toujours. J’ai
toujours détesté être devant l’objectif
donc j’ai toujours été celui qui était
derrière et qui faisait les photos, en commençant
par les photos de famille. La période pendant laquelle j’ai
été assistant a de ce fait été un peu
difficile car on fait les test lumière sur l’assistant.
J’ai donc des milliers de polaroïd avec ma tronche dessus.
Un sujet pour une future exposition à la
Diane Arbus ?
Thomy Keat : Oui, pourquoi pas. Mais je n’irais
pas la voir…encore que le jour du vernissage il faudrait bien
que j’y sois. Mais au départ, je n’étais
pas parti pour être photographe. Etant de formation anglaise,
je voulais faire une école de traducteur mais il fallait
une 2ème langue. Et la seule que j’avais était
l’allemand et c’était pas top. Donc j’ai
arrêté et je suis parti aux Etats Unis pendant un an
où j’ai fait beaucoup de photos. Je voulais m’y
mettre de façon plus approfondie et j’ai cherché
un club photo. Je faisais également du kendo que j’ai
arrêté car le maître avec qui je travaillais,
et qui m’avait enseigné une certaine philosophie, est
mort.
Mais j’avais gardé de bons contacts
avec les pratiquants et le club m’a demandé de couvrir
un stage qui était dirigé par un photographe professionnel
qui était Arnaud Joubin. Les photos devaient initialement
être en couleurs mais je les ai doublées en noir et
blanc. Ces dernières ont plu à Arnault Joubin et
il m’a proposé de venir à son studio pour que je voie
comment se passait le travail de photographe. J’y suis allé
et à ce moment-là son assistant le quittait et il
m’a proposé la place. C’était en 1997
et cela à duré 3 ans et demi, 4 ans.
Et qu’apprend-on ?
Thomy Keat : Tout. Et on en bave. On prend beaucoup
sur soi, on trime, on n’est pas payé, on fait tout.
L’assistant est le larbin, l’ami, le confident, le tampon
avec les clients, l’intendant C’est très intense.
Il faut avoir un sacré caractère pour prendre sur
soi. D’autant au plan légal, le statut d’assistant
photo n’est pas reconnu. C’est très compliqué
mais c’est une expérience que je souhaite à
tous ceux qui veulent faire de la photo et surtout à ceux
qui sont dans des écoles. Je n’ai pas pu suivre les
cours d’une école car elles exigent un
gros bagage scientifique que je n’ai pas. Je voulais entrer
à l’Ecole des Gobelins ou l’école Louis
Lumière qui sont des écoles publiques mais les concours
d’entrée sont extrêmement difficiles.
Après l’assistanat, on est immédiatement
opérationnel. La pratique est essentielle et ne s’apprend
pas véritablement dans une école. Et il ne faut pas
oublier que la photo ne représente que 15-20% du travail
du photographe. Le reste c’est du commercial. On passe beaucoup
de temps à la recherche et à la relance des clients.
Heureusement que j’avais une formation commerciale ce qui
m’a aidé pour l’aspect entretien et démarchage.
Cela étant, le photographe dont on est l’assistant
n’est pas un professeur. Il ne donne pas de cours. Il transmet
son savoir à celui qui l’observe, qui le suit, qui
est attentif qui doit tout capter. J’ai beaucoup appris au
niveau des lumières puisqu’il faisait beaucoup de photos
de studio. Et la lumière ce n’est pas simple surtout
quand la durée de prise de vues est courte. Je me souviens
que pour la séance de photos de Woody Allen nous ne disposions
que de 10 minutes. Et puis à un moment donné, Woody
Allen en a eu marre et il est parti.
L’assistant doit également être
très diplomate pour gérer tout le monde sur un plateau.
Cela étant je ne regrette rien bien évidemment. J’ai
rendu service au photographe mais lui aussi et je lui en suis reconnaissant
à vie. J’ai beaucoup appris. Et puis il y a aussi son
regard sur mes photos et son œil est vraiment critique. Il
est venu voir mon exposition et m’a dit ce qui allait et ce
qui n’allait pas. J’étais très content
d’abord qu’il vienne voir mon travail mais aussi qu’il
m’en parle.
Il s’agissait de critiques très techniques
ou plutôt subjectives par rapport à sa propre manière
de travailler ?
Thomy Keat : Travailler aussi longtemps avec quelqu’un
implique qu’on lui prend des méthodes de travail et
on adhère aussi à sa vision du travail. Ensuite, il
faut s’en détacher. Arnault Joubin est un photographe
portraitiste et sa vision déteint sur moi. Pendant très
longtemps, j’ai fait des portraits. Maintenant, je m’en
détache. Pour revenir à la question, ses critiques
ont toujours été très objectives d’autant
qu’il a été prof aux Gobelins.
Pendant cet assistanat, vous avez également
appris le travail de tirage ?
Thomy Keat : Non. Bien sûr, il y a un peu
le mythe du photographe qui fait ses tirages. Pour ma part, j’estime
qu’il s’agit d’un travail différent. La
photo est le résultat de la photo, du développement
et du tirage et éventuellement la retouche qui résultent
de compétences différentes. Je n’ai pas à
m’immiscer dans le travail de tirage. J’ai beaucoup
appris en regardant les tireurs travailler, je fais un peu de tirage,
mais je n’arriverais jamais au résultat obtenu par
un tireur professionnel. Cela valait surtout pour l’argentique.
Maintenant avec le numérique, on fait tout
chez soi. Cela présente des avantages et des inconvénients.
Pour ma part passer des heures devant l’ordinateur m’ennuie
à mourir. C’est du temps perdu pour moi. Mais c’est
vrai que j’ai passé des journées chez Picto
avec les tireurs.
Le tireur a une grande compétence technique.
Comment le photographe indique la photo qu’il souhaite ?
Thomy Keat : Lors du premier rendez-vous, on vous
alloue un tireur que l’on ne connaît pas à qui
on confie son négatif. Il demande un peu si l’on aime
un tiré doux ou dense et propose un jet de par sa propre
vision. A partir de là, le travail peut commencer en concertation.
S’instaure un véritable dialogue. Et cela dépend
beaucoup du feeling avec le tireur. Je parle du tirage art graphique.
Evidemment il ne s’agit pas du tirage standard.
Thomy Keat : Non, effectivement. Et les tarifs
sont en conséquence.
Il y a beaucoup de tirages effectués avant
de parvenir au résultat attendu ?
Thomy Keat : C’est variable. Parfois 10,
quand on cherche quelque chose et que tant qu’elle n’est
pas atteinte, par rapport à ce que l’œil a vu
lors de la photo, on essaie. La présence du tireur est très
précieuse pour comprendre comment rendre techniquement une
impression. En revanche, avec le numérique face à
ton ordinateur, c’est empirique et on est seul. De plus, quand
on découvre quelque chose d’intéressant, l’effet
pervers de l’informatique tend à ce qu’on l’applique
tout le temps. Ainsi, pour ma part, au début, j’utilisais
la saturation à mort. C’est facile de faire péter
les couleurs. Mais il ne faut pas oublier le fondement de la photo,
il ne faut pas aller au-delà de la réalité.
Que s’est-il passé après l’assistanat
?
Thomy Keat : Quand on décide d’en
faire son métier, au début, on est un peu euphorique
mais cela retombe très très vite. On se lève
le matin, on y est et on fait quoi ? Donc on commence par faire
jouer les contacts que l’on a eu en étant assistant
et dont on est l’interlocuteur pour le compte du photographe
qu’on assiste. Mais il y a des assistants qui démarrent
fort tout de suite et d’autres, comme moi, pour qui c’est
plus compliqué dans la mesure où mon secteur d’activité
est assez bouché notamment sur Paris. Donc la démarche
devient essentiellement commerciale. On regarde où l’on
est géographiquement afin de connaître le marché
et cela commence par la ville. Et on commence à démarcher
avec son book.
Il faut consacrer beaucoup de temps au démarchage.
Et on est tout seul ! Il faut bouger et pas se laisser aller notamment
parce que l’on n’a pas d’obligation en termes
d’horaires. Donc je me suis imposé une discipline,
celle de me lever tous les matins à 8 heures quoi qu’il
arrive. Et si je n’ai pas de rendez-vous j’ai quand
même du travail, passer des coups de fil, ranger ma photothèque…Et
le boulot il faut le prendre là où il est et quand
il se présente. Il y a des années où je n’ai
pas pris de vacances.
Trouver ses marques nécessite combien de
temps ?
Thomy Keat : Il a fallu 2-3 mois pour que cela commence
à se mettre en place. Après, le travail est très
aléatoire et il arrive souvent par vagues. Et quand il n’y
en a plus, il n’y en a plus. Donc des périodes de doute.
Franchement, je ne conseillerais à personne d’être
photographe. Pas à notre époque. C’est très
dur. L’année dernière, j’ai eu une année
exceptionnelle. J’ai eu Roland Garros, le Salon de l'Auto, des agences de pub…
Je n’ai pas vu le jour mais c’était royal. Cela
me convenait car je ne me sens bien que quand je travaille. Et j’ai
cru que cela allait continuer toujours. Mais cette année
est assez moyenne. Mais je m’accroche parce que je ne sais
pas ce que je pourrais faire d’autre maintenant et surtout
parce qu’il n’y a rien d’autre qui me motive.
Sur votre site web, vous indiquez justement que
vous arrêterez le jour où la passion ne sera plus au
rendez-vous.
Thomy Keat : Oui. Parce que j’ai constaté
qu’il y avait beaucoup de photographes qui ne faisaient jamais
de photos en dehors du travail. Moi, je me lève le matin,
je pense à la photo, je mange photo et ce n’est pas
une clause de style. C’est la réalité. L’œil
travaille en permanence dans ce sens. Et je ne conçois pas
mon travail autrement. J’aime faire les choses à fond,
je suis dévoué à quelque chose.
Vous avez abordé la part envahissante du
numérique. Faîtes-vous encore des photos argentiques
?
Thomy Keat : Le volume d’argentique dans
mon travail représente aujourd’hui 5 %. Le numérique
a tout envahi. En tous cas, le client demande du numérique.
Au plan professionnel, je n’ai pas le choix. Le client donne
des profils colorimétriques, un tutorial, des dimensions,
etc…Ainsi je travaille pour une société qui
est une photothèque médicale et les fichiers doivent
répondre à des formats très précis.
Le cahier des charges est très rigoureux et rigide.
Donc vous livrez essentiellement des fichiers.
Thomy Keat : Oui. Je grave des cds.
Et pour les photos que vous faites hors clientèle,
l’évolution vers le numérique est-elle inéluctable
?
Thomy Keat : A mon grand dam, il faut bien l’avouer.
Cela étant, je reviens au noir et blanc et je fais mes tirages
dans mon photo-club. Ce moment dans le labo est très intense
parce qu’on est très concentré, plus rien d’autre
n’existe et je prends toujours autant de plaisir au moment
où l’image apparaît. C’est magique et le
mot magique n’est pas usurpé. Je me rappelle les moments
où enfants nous faisions des photogrammes à l’école.
Je veux conserver la beauté de ces moments. Je ne voudrais
pas que cela entre dans l’histoire.
Faites-vous partie des photographes qui font beaucoup
de clichés, en rafales, ou de ceux qui font un cliché
unique qui est le bon ?
Thomy Keat : Le photographe qui fait un seul cliché
qui est le bon, il y en a qu’un et c’est Newton qui
le disait. Bon, OK. Mais je pense qu’il faut un minimum d’honnêteté
avec soi-même. Celui qui dit ça, c’est super
pour lui. Mais ce n’est pas mon cas. J’aime voir venir
les choses. Je ne suis pas un photographe de l’instant. Ma
démarche est toujours calquée sur le portrait. Quand
je shoote 15 fois, ce n’est pas pour le plaisir de shooter.
C’est que je suis à la recherche de quelque chose.
Et je pars du principe que je shoote jusqu’au moment où
je trouve. Cela peut durer très longtemps mais cela peut
être rapide. Bien sûr, si je dispose d’un court
laps de temps, il faut que j’en tienne compte mais je prends
mon temps.
Les photos remises aux clients sont-elles retouchées
?
Thomy Keat : Pour mes clients, je fais le moins
de retouches possibles. D’abord parce que je ne suis pas un
virtuose de la retouche et parce que cela m’ennuie. Je viens
de l’école de la dia qui impose une bonne exposition.
La mesure de lumière doit être très précise.
Avec le numérique, on peut changer comme on veut. Ce qui
m’énerve c’est d’entendre dire Je fais
la photo n’importe comment, je m’en fous parce qu’après
je recadre. Il en va de même pour moi pour la retouche. La
lumière je la crée. Et j’essaie de faire une
photo correcte.
Le client procède-t-il ensuite à
des retouches ?
Thomy Keat : J’estime que la photo que je
livre ne doit pas être retouchée. Elle est réfléchie.
C’est la raison pour laquelle je mets un filet noir, pour
délimiter mon terrain. Cela étant, les photos sont
souvent recadrées dans des journaux locaux par exemple
parce qu’ils ne veulent qu’un élément
de la photo. En revanche, les photos pour les agences de pub sont
reprises fidèlement car il y a suffisamment d’étapes
intermédiaires pour définir précisément
la photo souhaitée.
Revenons sur ce que vous avez dit quant au fondement
de la photo, il ne faut pas aller au-delà de la réalité.
Thomy Keat : Oui et non. Effectivement, j’ai
dit cela. Si la base est bonne, comme je la souhaite, je la garde.
Mais je retouche aussi les photos. Je peux modifier la balance des
blancs, j’ai eu une période jaune en utilisant un filtre.
Votre réponse m’avait intéressée
parce que des photographes retravaillent complètement la
photo dans le cadre d’un travail pictural afin de créer
une oeuvre à partir d’une photo.
Thomy Keat : La retouche vise à la correction
. Je ne fais pas de retouche pour changer l’image car je suis
opposé à l’altération de la réalité.
Ainsi je ne fais pas de montage. Ou alors une modification sans
modifier la réalité. Par exemple rajouter des passants
dans une rue. Il faut que cela soit réel.
Question incontournable : quelles sont les photographes
qui vous ont influencés et ceux dont vous appréciez
le travail même si celui-ci est très différent
du votre ?
Thomy Keat : Par principe, je suis assez fan. Je
suis admiratif du travail des autres. Et cela ne me gêne pas
de reconnaître le talent que le photographe soit ou non connu.
Je viens de découvrir le travail d’un photographe amateur
russe, Igor Amelkovich, qui fait des nus. Je n’aime pas spécialement
ce registre car c’est souvent gnangnan, académique
ou alors ce sont des photos dites de charme. Ses clichés
ont une telle force dramatique qu’ils ne peuvent laisser indifférent.
Ce n’est pas vulgaire, c’est pas beau, c’est esthétique
et ça interpelle. Je les compare à des portraits d’hommes
dans lesquels les traits, les rides, les cernes sont très
marqués.
Côté influence, j’ai une admiration
absolue pour Jean Loup Sieff. J’aurais bien voulu le rencontrer.
J’apprécie sa démarche, sa lumière. Et
puis j’aime le travail d’Arnault Joubin. D’ailleurs,
pour la petite histoire, j’avais une photo de lui que j’avais
découpée dans un magazine, et que j’ai toujours
dans ma chambre, qui est une photo de César et ce avant de
le connaître. Ce qui est inoui. C’est le portrait que
je trouve le plus beau. D’autres références,
j’aime Cartier-Bresson, pour le noir et blanc, Michael Kenna,
Arnault Joubin, Sarah Moon que j’ai rencontré une fois
et qui est une personne extraordinaire. Pour la couleur, Mark Seliger,
James Nachtwey, Joyce Ravid. Je m’extasie pour peu. Et je
ne fais pas de distinction entre les professionnels et les amateurs
parce que la seule différence est que je suis payé
pour faire des photos.
Etes-vous intéressé par le travail
d’Annie Leibovitz ?
Thomy Keat : Enormément. Elle est le pendant
féminin de Mark Selliger qui fait des mises en scène
impressionnantes. Pour photographier quelqu’un, je le rencontre
et j’imagine quelque chose derrière. Je fais des croquis,
très mauvais, mais qui fixent les idées. Cela étant,
après cela peut dévier sur autre chose. Bien sûr,
il en va autrement quand c’est un rendez-vous ponctuel. On
s’adapte. Mais j’adore parce qu’il y a urgence.
Le côté poussée d’adrénaline, j’adore.
A ce moment, le photographe est très égoïste
et très inhumain car quand il a quelque chose dans la tête
il va tout faire pour l’avoir. Et quand j’ai l’œil
dans le viseur, plus rien d’autre existe. J’oublie tout
car je suis extrêmement concentré à la recherche
de quelque chose.
Ce qui paraît antinomique avec le fait que
vous disiez que vous n’étiez pas un photographe de
l’instant
Thomy Keat : Quand je dis cela, c’est que
si j’avais le choix, je préfèrerais toujours
prendre mon temps. Ce qui ne veut pas dire être dilettante.
Ça travaille ! Après une prise de vue, je suis fatigué,
je suis mort. Mes amis se moquent mais c’est la vérité.
La concentration est énorme. J’ai failli me faire écraser
à New York parce que j’avais vu un truc et j’étais
au milieu de la rue. Je fais du reportage aussi. Je ne suis pas
un photographe de l’instant parce que cherche quelque chose,
je tourne autour.
Et que cherchez-vous ?
Thomy Keat : Je ne sais pas.
C’est plutôt intuitif ?
Thomy Keat : Oui. Mais je peux me tromper. Parfois,
je suis attiré par quelque chose. Je marche beaucoup aux
sensations. C’est un peu comme l’art contemporain. Je
peux rester longtemps devant un tableau qui me plait.
Pour en revenir à l’aspect professionnel,
dans quels domaines travaillez-vous actuellement ?
Thomy Keat : Des agences de communication, des
collectivités locales et des entreprises. C’est assez
varié car je ne suis pas encore assez établi pour
avoir une clientèle fidèle. Cela étant, j’accepte
beaucoup de choses car tout travail est source d’expérience.
Vous apportez le même soin au travail que
vous faites que le client soit un particulier ou un professionnel
Thomy Keat : Oui. Le travail fait c’est sa
carte de visite. Je ne peux pas me permettre de faire un mauvais
boulot parce que je le sais et je marche beaucoup aux sentiments.
Ensuite je vais ruminer. Je ne peux pas l’admettre. C’est
assez compliqué comme ça pour ne pas faire un boulot
à la va-vite.
Les photos de commande ne correspondent pas forcément
à un choix personnel. Pour les photos de votre travail personnel
vers quoi vous orientez-vous ? Et envisagez-vous de faire une expo
?
Thomy Keat : La première exposition que
j’ai faite "Cinq regards sur la ville" qui a donné
carte blanche à 5 photographes pour marquer l’an 2000.
J’ai choisi le portrait et choisi 5 catégories de personnes
qui me paraissaient emblématiques de la ville telles un fleuriste,
un peintre, un professeur. Si je refais une exposition, il s’agira
de quelque chose de totalement différent, plutôt dans
l’ordre de l’illustration, du graphisme ou de l’architecture.
Car cela me plaît beaucoup. Une expo de portraits aussi.
Auparavant
je n’étais pas très intéressé
par l’expo. Je ne sais pas si c’est de la fausse modestie
mais avoir ses photos sur un mur …J’ai changé
d’avis avec cette expo de portraits où les gens avaient
apprécié. Je me suis dit que peut être ce que je fais
n’est pas si mal.
C’est la raison pour laquelle le projet d’expo
des télétubbés me tient à cœur.
Parce que ça peut paraître pour beaucoup un truc délire,
marrant. Mais moi je le prends très au sérieux. J’entends
bien mener ce projet aussi loin que possible avec Florent. Je le
prends comme un boulot et je ne compte pas le lâcher. Je suis
sûr qu’il y a quelque chose à faire avec ça.
Quand on se balade avec notre télé – qu’on
se balade et que moi je porte la télé petit message
perso à PL qui se reconnaîtra - on est sérieux.
Quand on rentre dans une boucherie et que l’on pose notre
projet de mettre la télé dans la chambre froide ,
le boucher nous regarde interloqué mais accepte car constate
qu e nous le faisons sérieusement.
Comment est l’accueil ?
Thomy Keat : Bien. Surpris mais c’est vrai
que nous voir débarquer avec notre télé cela
crée un certain décalage avec la réalité.
Ils se disent c’est quoi ?
Que vous n’avez pas le SAV Darty !
Thomy Keat : On va d’ailleurs en faire une
avec le mur de télés ! En général, ça
se passe bien. Ainsi au parc des expos on a fait des photos (les
fous de la benne) près des guichets près desquels
il y avait la sécurité. Les gars de la sécurité
nous ont regardé et ont trouvé ça marrant.
Les gens constatent que nous faisons ça sérieusement.
Par ailleurs, le refus fait partie de la photo et encore avantage
aujourd’hui avec le droit à l’image que l’on
invoque à tous propos.
A ce propos, j’ai une anecdote. Avant hier,
j’étais sur le parvis du Louvre et j’ai découvert
2 personnes qui tournent autour de la pyramide, habillés
tout en noir, qui interdisent aux gens de prendre de photos, allant
même jusqu’à apposer la main sur l’objectif.
Je les ai suivis pendant 5 minutes .Je trouve cela scandaleux. Les
gens viennent de loin veulent garder un souvenir et on le leur interdit.
Il y a quelques mois j’étais à un vide greniers
à Toulouse et une artiste exposait ses œuvres. J’ai
trouvé ça intéressant et j’ai fait une
photo. Elle est venu me voir pour m’interdire de faire des
photos. Je ne comprends pas cette attitude. C’est tout à
son honneur que l’on photographie son œuvre me semble-t-il.
En extrapolant, c’est de la publicité gratos !
Effectivement, il y a une sorte de paranoïa
sur le piratage par le net .
Thomy Keat : Si on me demande par exemple une de
mes photos pour en faire un fond d’écran je dis OK.
Il faut remettre les choses à leur juste place. Moi, ça
me fait plaisir. D’autant que la résolution est telle
que qu’on ne peut en faire ensuite un tirage de qualité.
Mais les gens lisent trop Voici et des feuilletons de piratage.
De toute façon à partir du moment où la photo
ne porte pas préjudice à ma personne qui est photographiée
même le tribunal ne leur donnera pas raison ou me condamnera
à un euro de dommages-intérêts. Cela étant
je ne nie pas le droit à l’image. Comment auraient
pu travailler Doisneau, Cartier-Bresson ou Capa ?
Pensez-vous que la photographie soit un art ?
Thomy Keat : Oui, complètement. Je suis
très basique dans mon raisonnement. L’art, c’est
quoi ? C’est un mode d’expression . De là, la
photo est un art. Maintenant il y a toujours eu une polémique
autour de la photo qui est considérée comme un art
mineur. Je ne suis pas d’accord. Elle serait un art mineur
parce qu’elle est accessible à tous. Dans les milieux
intellectuels, on considère que l’artiste doit être
malheureux, il doit se trifouiller la tête, être névrosé.
Or, non, tous ne répondent pas à ces conditions. Et
puis tout le monde peut acheter une toile et des couleurs et faire
de la peinture…
…mais tout le monde n’est pas Van
Gogh.
Thomy Keat : Exactement. Et puis on a l’impression
que c’est facile de faire de la photo. Moi je dis allez-y
! S’ils y arrivent tant mieux ! Il y a une autre chose aussi
ce sont les gens qui demandent que l’on leur envoie la photo
qui leur plaît. Vont-ils vers un peintre qui dessine dans
un parc en lui demandant qu’il leur donne sa toile ? Ce n’est
pas parce que le temps mis à prendre la photo dure 1 centième
que c’est plus simple et sans valeur. Il y a toujours une
démarche intellectuelle.
Su tu n’avais que 3 mots pour définir
ton travail ?
Thomy Keat : Passion, souvenir…et passion.
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