Comédie de Dea Loher, mise en scène de Alain Carbonnel, avec Clémentine Bernard, Thibaut Corrion, Virginie Gritten, Dominique Jacquet, Ophélia Kolb, Aurélie Messié, Sophie Neveu et Aurélie Toucas.
Pour concourir pour le Prix Théâtre 13 / Jeunes Metteurs en scène 2013, Alain Carbonnel, formé à l'école du Théâtre National de Strasbourg promotion 2007, n'a pas cédé à la facilité en choisissant "Barbe Bleue, espoir des femmes" de la dramaturge allemande Dea Loher.
En effet, elle revisite "à rebrousse-poil" le célèbre conte de Perrault, qui, selon les angles disciplinaires d'analyse, traite de la thématique du péché originel ou de la sexualité, avec un Henri Barbe Bleue inattendu.
Homme ordinaire, dont le métier, celui de vendeur de chaussures renvoie au fétichisme masochiste, à la sexualité inexistante, il est instrumentalisé par des femmes-ogresses, chacune à sa manière, en quête d'amour.
Impuissant dans tous les sens du terme, seule la mort peut faire taire cet impérieux désir féminin qui tend à l'amour absolu, l'amour "au-delà de toute mesure, jusqu'à l'issue fatale mais rédemptrice.
Dea Loher décline sa proposition dans une partition surréaliste qui repose sur une poétique tragi-comique dont Alain Carbonnel privilégie le tragique, ce qui opère un lissage des caractères, et il opère un renversement de la proposition en faisant du personnage principal un serial killer dostoievskien soumis à un fatum antique qui évoque également la figure du monstre chère à l'expressionnisme.
Cela étant, sa lecture, avec lumières tranchées, coryphée, lecture off des didascalies, grondements d'outre-tombe et sa direction d'acteur rigoureuse, avec une distribution homogène, est parfaitement tenue.
Dans une scénographie de Céline Perrigon, qui cède à la tendance actuelle du bric-à-brac entre squat et brocante-vide grenier pour un décor "meublant" dispensable dès lors que l'espace de jeu est circonscrit à un lit quasiment en avant-scène, les comédiens campent avec talent et justesse leur personnage.
Dans le rôle-titre, Thibaut Corrion est saisissant dans les pas de deux avec "ses" femmes Clémentine Bernard, Virginie Gritten, Sophie Neveu, Aurélie Toucas avec mention spéciale à Ophélia Kolb, Dominique Jacquet et Aurélie Messié. |