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puce Le mot progrès dans la bouche de ma mère sonnait terriblement faux
Théâtre des Lucioles  (Avignon)  juillet 2013

Tragédie contemporaine de Matéi Visniec, mise en scène de Henri Dalem, avec Emilie Bouruet-Aubertot, Paméla Ravassard, Laurent Labruyère, Garlan Le Martelot et Sébastien Libessart.

"Le mot progrès dans la bouche de ma mère sonnait terriblement faux", texte fort et saisissant de Matéi Visniec, traite simultanément de la guerre, de la mémoire, du deuil, ainsi que de la difficulté, pour les populations, de se reconstruire par delà la mort et l'exil dans un pays aux frontières mouvantes, aux rancœurs tenaces et aux esprits tourmentés.

Ce journaliste et dramaturge qui maitrise aussi bien les dépêches AFP et le style romanesque envisage la guerre non dans sa généralité mais dans sa particularité. C'est par l'intermédiaire d'une histoire personnelle qu'il parvient à toucher à des vérités universelles.

Quelque part sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, un homme et une femme rentrent chez eux, une fois la guerre terminée. Ils sont les citoyens d'un nouveau pays avec de nouvelles frontières, un nouvel hymne, une liberté nouvelle elle aussi.

Cependant leur maison est brulée, leur puits rempli de détritus. Leur fils Vibko est mort sans même qu'on ait pu lui donner une sépulture. Leur fille Ida s'est exilée en Europe occidentale et se prostitue pour envoyer de l'argent à ses parents qui eux n'ont de cesse de retrouver la dépouille de leur garçon afin de le pleurer dignement.

Ce dernier revient les voir et se fait la liaison entre le monde des morts et des vivants qui ont bien plus à dire qu'on ne le croit. Entre coups de pioches et désespoir, les morts sortent de terre, les marchands d'ossements resserrent leurs vols de charognards, ceux qui savent se taisent, ceux qui ne savent pas parlent, dans un univers empreint de souffrance et de poésie assorti de surréalisme.

Au travers de ces quatre regards, le père, la mère, Vibko et Ida, le spectateur est plongé dans une expérience inédite de l'après-guerre et de la réconciliation, bien loin des journaux télévisés qui nous ont pourtant abreuvés d'images sur le sujet.

Car si en surface la vie reprend ses droits, les morts eux, enterrés à la va-vite en couches successives, rôdent et cherchent à partir "dignement" tandis que la liberté, si chèrement gagnée n'affranchit pas tout à fait du joug d'autres maitres que sont l'argent ou le pouvoir.

La partition de Matéi Visniec interpelle : n'a-t-on pas enterré un peu vite tous ses morts sous les nouvelles frontières ? A-t-on pris le temps de bien les pleurer pour laisser la place nette aux vivants dans ce nouveau tracé des contours de l'Europe ? N'a-t-on pas tout simplement créé de nouvelles barrières, ailleurs, dans les cœurs et les rancoeurs ?

Pour mettre en scène ce texte difficile et puissant, Henri Dalem a imaginé des traitements très différents pour chacun des protagonistes.

Afin de restituer la douleur incommensurable des parents, bien trop éloignée de nos expériences personnelles pour tenter une approche réaliste, il a opté pour une mise en distance entre l'extrême degré de souffrance des personnages, les comédiens, et les spectateurs par l'intermédiaire de masques, de costumes déformant le corps et de micros modifiant la voix. Un rythme lent et poétique où le silence et la respiration des comédiens, amplifiées par les micros, prennent un place prépondérante s'installe.

Les morts, eux, paraissent plus vivants. Ils jaillissent à chaque coup de pelle trop contents de pouvoir retourner chez eux, parlent, rient. Quant à Ida, exilée bien loin de son pays natal, c'est la vidéo de Virgile Pons qui nous la figure. A travers son regard, c'est la vision occidentale un peu méprisante de ces conflits de l'Est qui est donné à voir.

Conçu comme une succession de tableaux courts, tels des flashs mettant en lumière les uns après les autres différents aspects, la pièce s'envisage comme un ensemble de pointillés formant une œuvre qui demande un pas de recul pour être appréciée dans son ensemble.

Les comédiens Emilie Bouruet-Aubertot (la nouvelle voisine), Paméla Ravassard (le père, Ida), Laurent Labruyère (la mère), Garlan Le Martelot (Vibko) et Sébastien Libessart (le nouveau voisin) sont à la hauteur d'un texte et d'une mise en scène exigeants.

Paméla Ravassard est particulièrement convaincante dans le rôle du père. Elle imprime une gestuelle et un phrasé à son personnage qui le rendent tout à la fois touchant, drôle et poétique. Garlan Le Martelot campe quant à lui un Vibko d'une juste complexité.

Face à un texte et à un sujet difficiles, l'énorme travail du metteur en scène et des comédiens permettent à cette pièce de délivrer un message complexe mais des plus passionnants et qui trouve une résonance particulière dans notre conscience européenne encore bien jeune et déjà menacée.

 

Cécile B.B.         
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