Vendredi 5 Juillet : Aïe.
Elles viennent de loin, elles ont un accent à couper au couteau, et leur style vestimentaire est aussi léger qu'inimitable. Voici donc les Deap Vally. Une blonde, une rousse : la première fait tomber sa guitare entre les deux premiers morceaux, la seconde joue de la batterie pieds nus. Et le centimètre carré de peau dénudée semble assez satisfaisant pour ces messieurs les photographes. Quoi qu'il en soit, les petites envoient un rock garage lourd et sauvage assez intéressant qui ne dément pas mes écoutes intempestives de Sistrionix, leur dernier album. Sous une chaleur de plomb, Lindsay Troy et Julie Edwards enflamment la Plage du Malsaucy et placent ce deuxième jour sous le signe sauvage du plus pur rock'n'roll.
De telle sorte que la prestation de Matthew E. White semble, consécutivement, bien terne et bien molle. Et pourtant on attendait beaucoup du "nounours" pro de la pop indie tropicale et perchée. L'homme à la chemise à pois, hippie version 21ème siècle, déroule son set sans accrocs, mais éclats. Dommage.
Nouveau revirement avec Airbourne. Si jusqu'à maintenant la présence scénique des groupes s'était révélée plutôt limitée, au grand dam de mon APN clairement frustré, et ce en dépit de belles prestations d'un point de vue exclusivement musical, Airbourne inverse heureusement la tendance. Les musiciens arrivent déjà trempés, et Joel O'Keeffe donne tout. Grimaces, gros yeux, guitare en l'air, bière frappée sur la tête et ouverte dans un grand éclat de mousse, un grand show à l'australienne qui fait du bien aux yeux et aux oreilles. Du "bon hard-rock", oui, qui me fait arborer, paraît-il, une mine réjouie et satisfaite et me redonne une énergie infernale. La seule question à se poser est la suivante, me semble-t-il : pourquoi Airbourne-t-il joue aussi tôt dans la journée...
La journée est donc sous le signe de la variation des univers : Lilly Wood And the Prick est un groupe dont j'avais maintes fois entendu parler sans jamais avoir pu assister à un set. On sait donc que c'est connu, on se dit "demain je m'y mets" et... Rien. Si je ne suis pas forcément férue du versant parfois très "pop" de leur "folk", le tout reste intéressant et dynamique en live : Nili Hadida fait preuve d'une belle présence, échange avec son public (en lui disant "on", bizarre interpellation), sourit et se laisse emporter, yeux mi-clos, par "Middle of The Night", leur "tube" 2012. Dans le même style, j'avoue préférer The Dø – on dira donc, gentiment et sans rancune, que Lilly Wood And The Prick est un groupe qui, en live, se laisse écouter.
Sur la Grande Scène, Mat Bastard surgit. Et avoue : "Ce sont nos premières Eurocks". Du coup, après quelques titres peu fringants – l'intimidation, sans doute -, Mat Bastard se lâche. Il faut bien faire ses preuves, quand on a été "ouvert" par Airbourne... Le set est un "classique" des Skip The Use, entre les déplacements intempestifs d'un Bastard super-actif, bondissant, et déchaîné, qui aime à utiliser l'espace de la scène mais au-delà encore : on retiendra surtout la reprise osée et, faut-il le dire, un peu fade de Nirvana pour clore le set. Pas sûre que cela ait été nécessaire – mais les STU semble en faire leur marque de fabrique, puisque, quelques jours plus tard aux Déferlantes d'Argelès-sur-mer, c'est une reprise de Motörhead, remplacé au pied levé, qui sera proposée...
Sur un coup de tête, et parce que ma curiosité frôle parfois le voyeurisme malsain, je décide d'aller voir le "phénomène" Woodkid – sachant que mon unique écoute de The Golden Age avait eu sur moi un effet soporifique majeur. Yoann Lemoine, dans son monde, mi-hilare, mi-blasé, yeux dissimulés sous une casquette, chante froid, dans un univers qui l'est tout autant – il paraît qu'il s'agit d'un mélange entre "electrorock gothique et pop orchestrée". Un mot ? Grandiloquent. Une question : imposture ? Le tout est considérablement lassant, on soupire, on s'en va – et on s'en veut d'avoir raté, sur la Loggia, les Rebel Assholes.
Voilà, nous y sommes. Je pense avoir eu en tête, toute la journée, de discrets extraits de Mellon Collie et the Infinite Sadness – sorti en... 1995, et la voix de Billy Corgan comme une berceuse éternelle. S'il y a une déception personnelle dans ces Eurockéennes, quelque chose qui m'a profondément touchée – et la question se pose hic et nunc de supprimer ce paragraphe et cet aveu -, c'est bien de voir entrer Corgan sur scène – entre nous, ma première rencontre avec lui. Tête baissée, corps avachi et mou, regard peu expressif : tout cela, mon œil, forcément vissé dans mon 7D, ne peut que le constater amèrement et de trop près. Les revival ont donc des limites, Corgan a mal vieilli, paraît lourd et maladroit, et le set est d'une longueur infinie.
Vu qu'on a un peu zappé la scène électro depuis deux jours, on se dit : Gesafflestein, pourquoi pas ? Le nom du monsieur nous rappelle nos cours d'allemand d'écolière studieuse (ah ah) – alors que ça n'a rien à voir puisque Gesaffelstein est français. La conclusion de tout cela, c'est que l'on réussit à tenir, grand maximum, cinq minutes avec ce son électro techno pourtant tout à fait reconnu dans le milieu avant de fuir à grandes enjambées. La déception Corgan nous tient peut-être encore trop aux tripes pour que l'on puisse passer à autre chose... Le premier dilemme cornélien du festival se pose très exactement à 1h30 du matin.
D'un côté, on m'assure que les Bloody Beetroots ont un scénique d'enfer, de l'autre... j'aimerais voter, sans condition aucune, Archive. Je fais donc un choix de folie : je décide de tenter les deux. Un morceau et demi pour les BBS – hormis un saut, et un petit jeu avec son pied de micro, Sir Bob Cornelius Rifo restera rivé, pour les premiers morceaux du moins, à son clavier...
Courir. Courir par le chemin technique entre la Grande Scène et la Plage, avec l'ancien batteur d'Ezéchiel, reconverti en (très bon) photographe, en guise de sparring partner (ça ne s'invente pas). Me reste donc un morceau et demi sur Archive – que je regrette d'emblée de ne pas avoir choisi sans concession. Je ne sais pas vraiment si un concert d'Archive peut se résumer ou se décrire : la trip-hop emporte tout sur son passage, et le reste perd son sens.
Intermède en guise de bilan nocturne
Arrivée à mi-course – c'est le moins que l'on puisse dire -, il semble assez pertinent de revenir sur ces deux premiers jours. Photographiquement, le bilan est, finalement, mitigé : si de bonnes découvertes musicales ponctuent mes déambulations, les jeux de scène sont, selon moi, bien pauvres et clairement en-dessous de certaines folies scéniques entraperçues l'an dernier. Qui plus est, et parce qu'il n'y a pas d'heure pour râler, je voudrais rappeler ici quelles ont été les nouvelles "modes" dans la fosse aux lions-photographes cette année. Tout d'abord, le photographe "à pied", qui tend sa (grande) perche, sur laquelle trône un boîtier. Il shoote à l'aveugle, tantôt la scène, tantôt le public, et... apparaît sur la moitié des photographies de ses confrères... tous fort énervés. Ensuite, les producteurs d'images obsédés du live view. Ecran de l'APN orienté vers le bas, bras tendus en l'air, ils ont un mépris total pour ceux qui sont derrière eux et shootent à qui mieux mieux également – qu'on ne les confonde pas avec les ayatollah de l'Hasselblad qui, eux, ont autant de mérite que de talent. Enfin, les "classiques" dont on ne s'étonne même plus : les photographes à tabourets – qu'on ne condamne pas dans la mesure où ils savent se placer sans trop gêner -, et les photographes dont on ne saura jamais d'où leur vient leur accréditation photo prioritaire et qui attendent, dépités, sans pouvoir shooter, car un 18-55, c'est mignon, mais c'est un peu court, jeune homme. La perte de déontologie est totale, quand on voit certains "confrères" se hisser sur la plateforme réservée aux handicapés pour voler quelques images, encore. En bref, des conditions de travail – et j'insiste sur le terme pour ceux qui pensent encore que shooter ne peut être qu'un plaisir – déplorables qui expliquent en partie ma production médiocre des deux derniers jours...
Pour passer du coq à l'âne : mais pourquoi si peu de photos et de reports de la scène "Club Loggia", où fourmillent chaque année la fine fleur des découvertes Eurocks ? Eh bien... Parce que les conditions ont changé et qu'il est désormais impossible aux photographes de prendre seuls le chemin technique qui y mène. Moralité, à moins de s'y prendre vraiment à l'avance pour traverser la foule et de ne pas avoir d'impératif photographique ensuite... L'accès reste vraiment compliqué. Ce qui nous a fait rater, entre autres choses, Parquet Courts et Fidlar, dont nous n'avons entendu que du bien par la suite... |