Samedi 6 Juillet : Seuls les imbéciles ne changent pas d'avis.
Sous l'angle de la programmation, ce samedi était un peu le jour à éviter pour moi. Belle et édifiante erreur, puisque les surprises de qualité vont se succéder et mettre fin à un certain nombre d'a priori tenaces. Bien fait pour moi. L'avantage, c'est qu'il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis...
La superbe découverte des Eurocks restera donc The Strypes. En les voyant débarquer sur scène, on se dit : ah, encore un groupe d'adolescents à peine pubères dont la prestation restera éphémère. Que nenni. Si les petits Irlandais ont bien l'acné facile, ils ont surtout le rythm and blues dans la peau. Le set est hyper énergique et surclasse bon nombre de groupes de rock vus jusqu'à présent. Guettons donc la sortie de leur premier album en septembre prochain – les petits ont quand même signé chez EMI...
Après les cow-girls sauvages de Deap Vally, après les facéties colorées de Lilly Wood and the Prick, un tout autre univers féminin entre en scène. Chevelure tentaculaire, Valérie June, Gorgone du Tennessee, entre sur scène telle une princesse impériale et digne. Le timbre de voix est assez exceptionnel, faut-il l'avouer, mais un peu agaçant à la longue, d'autant que la folk prodiguée, même si les influences sont extraordinairement variées, lasse quelque peu – doucereuse, mielleuse, pour ne pas dire nasillarde. Pourtant, les "racines" du blues n'ont aucun mal à s'ancrer très rapidement sur la Green Room, bien que la présence scénique laisse quelque peu à désirer : derrière ses lunettes noires, Valerie June semble se dissimuler pour mieux jouer son "organic moonshine roots music".
Que l'on fasse une petite place ici à Pedro Winter, alias Busy P qui, invité sur l'ensemble des quatre jours, a transformé la scène de la Plage en vaste dancefloor, comblant les courts vides des changements de plateau. Rappelons que le monsieur est, entre autres choses, l'inventeur, comme on dit, des Justice et producteur de Breakbot et Laurent Garnier. Il a l'air – et fait – comme chez lui, et la rencontre est tout à fait plaisante.
On passe donc d'une petite ambiance électro bien sentie et salutaire sous ce soleil de plomb – de Belfort à Ibiza ? - aux Dinosaur Jr... Jay Mascis et Lou Barlow sont littéralement cernés par une (petite) montagne d'amplis Marshall – tous branchés, of course. Le début du set est clairement poussif : on sent en eux les techniciens qui règlent et règlent encore leurs amplis, s'accordent, une fois deux fois trois fois. J'attendais beaucoup de ce concert, et finalement j'en ressors déçue, moins à cause du son gras et saturé qui sort des amplis qu'en raison de l'absence totale de présence scénique des trois gaillards – hormis les quelques soli inspirés du bassiste Lou Barlow...
Alors qu'il fait trente degrés à l'ombre, mademoiselle Lou Doillon a décidé d'arriver sur la scène de la Green Room vêtu d'un chaleureux... pull irlandais qui lui donne des airs de princesse à peine sortie du lit. Dès le deuxième morceau, elle retire la pelisse, et explique à son public que la chose n'était là que pour lui ôter temporairement son stress. Chacun sa technique. Elle remerciera par la suite ceux "qui l'ont sortie de la cuisine", selon son expression, soit sa mère et Etienne Daho. Et j'avoue, en toute sincérité, que son set m'a plutôt bien plu. Parce que les comparaisons ne sont pas toujours nécessaires, surtout quand on est tout à tour "fille de", "sœur de", et j'en passe, Lou Doillon a sincèrement un petit filet de voix brute et sympathique qui nous fait passer un bon moment et ne la fait pas passer, en retour, pour une pâle chanteuse mise en avant grâce à ses liens familiaux. Soit, il faut aimer le style, mais en définitive elle m'aura clairement bluffée, et notamment dans le rapport simple et sincère qu'elle instaure avec son public. Bonne surprise, donc.
Two Door Cinema Club fait partie de ces groupes que je n'ai jamais réussi à écouter chez moi, malgré bien des tentatives. Mais ce soir-là, dès les premières notes, et alors qu'Alex Trimble s'approche un verre de vin blanc à la main, et salue son public en français, s'il vous plaît, une alchimie réelle prend place et l'électropop des Irlandais réussit à me convaincre d'une chose – qui n'est pas une nouveauté quand on sillonne les festivals : ne jamais dire jamais, et se rappeler que les live réservent parfois d'excellentes surprises, qu'importe si le style n'est pas notre tasse de thé – le problème, c'est que l'inverse fonctionne aussi... Et tout finit par "What you know", évidemment.
Devait-on en douter ? Phoenix n'a eu besoin de résurrection d'aucune sorte pour faire vibrer son public. Il paraît que les Français n'avaient jamais été vraiment conquis pas le groupe jusqu'à présent, devenu des idoles, pourtant, dans le reste du monde. Thomas Mars a clairement de la présence, et prend visiblement son pied sur scène – lui reprochera-t-on ? Petit slam dans le public, faux-billets de 500 francs jetés en l'air en guise de final, clin d'oeil à leur dernier album Bankrupt !, le tout accompagné d'un public conquis qui hurlera à qui mieux mieux les paroles des tubes du groupe – ce qui ne manquera pas de faire sourire jusqu'aux oreilles un Thomas Mars comblé par la fan attitude. Un bon set, donc, plein de vie et d'honnêteté musicale, ai-je envie de dire, bien loin des échos mauvais qui font de Phoenix un groupe versaillais huppé et pédant. |