Dimanche 7 Juillet : j'ai beau être matinale, j'ai (vraiment) mal.
Inutile de scruter le ciel : pour ce dernier jour, les Dieux de la musique et des festival en ont décidé autrement. Pour faire taire les mauvaises langues qui médisent sur la boue collante et absorbante du Malsaucy quand il est détrempé, le ciel est d'un bleu limpide et la chaleur à couper le souffle, une fois encore. La fatigue et le poids des appareils photos me feront, malgré tout, entamer un compte à rebours que je suis bien honteuse d'avouer ici : plus que sept groupes et... Dormir.
Courons donc à la Plage aller écouter les Da Octopusss. En arrivant, de belles donzelles bronzées nous distribuent des badges du groupe, et on est très rapidement et agréablement surpris par le son heavy électro – qui tâche - de ces deux énergumènes planqués derrière leur platine, et dissimulés derrières des masques de... poulpe (ou de pieuvre, je ne suis pas spécialiste) – spécialement créés, paraît-il, par le grand chef des effets spéciaux de X-Men. Une excellente claque musicale idéale pour commencer ce dernier jour de festival.
Palma Violets ? Connais pas. Sur scène, immédiatement, j'ai l'impression de retrouver la violence et la sauvagerie des Refused, vus l'an dernier sur la même scène des Eurocks, sauf que cette fois-ci les Palma Violets sont inspirés des Clash et des Libertines... Pour l'anecdote, notons que l'ouverture du concert est assez héroï-comique : un membre de leur staff, réquisitionné pour être "chauffeur" de set, débarque en zigzaguant. Dans un français approximatif et bégayant, le jeune homme termine par ces mots : "Vous pensez sans doute que je suis bourré, mais non!". Il esquisse alors trois pas en avant, soit un pas de trop et s'écrase – le terme n'est pas excessif – comme une crêpe – le terme n'est pas trop imagé - deux mètres plus bas, sur les photographes étourdis et le public scotché. Une chute libre, qui lui vaudra une arcade sourcilière dégoulinante de sang et le poignet cassé. Rock'N'Roll, baby !
On court ensuite voir Graveyard, mais on est tellement déçu par le froid polaire du hard-rock suédois qu'on décide de ne pas en parler ici. Du coup, on se console en se disant qu'on va voir The Vaccines, qui sera en réalité le raté dominical du jour. Un membre de l'organisation arrive sur scène et annonce : "Les Vaccines seront en retard" - un problème de matos coincé quelque part... Pendant ce temps, et parce qu'il faut bien prendre son mal en patience : un festivalier monte sur un de ses camarades de beuverie et décide faire l'hélicoptère avec son sexe – les photographes frustrés coincés dans le pit de la Green Room immortaliseront à souhaite le moment -, une jeune fille crie "Charles ! Charles !" à celui qui n'est autre que Luz... qui bosse, comme nous le savons tous, pour Charlie Hebdo et qui occupe avec nous le pit, muni de son petit carnet noir, et qui sautille pour ne pas perdre une motivation qui tend, ce dernier jour, à se faire volatile. Une demi-heure plus tard, on abandonne. Les Vaccines ne joueront qu'un petit quart d'heure, et... nous ne serons pas là. Du coup, on regrette amèrement de ne pas avoir été rôdé du côté des Kvelertak, vikings à tête de hibou recouverts de tatouages qui ont retourné, paraît-il, la Loggia.
Non, je ne serai pas objective pour parler du concert de The Black Angels. Parce que je suis une groupie digne de ce nom qui ne pourra que vous dire que... Eh bien ce fut excellent. La question reste quand même – et ce n'est pas la première fois que je la pose, d'ailleurs – pourquoi placer ce groupe mythique à 18h45 ? On restera sans voix en écoutant "Bloodhounds on my Trail" et, évidemment, "Manipulation". Pour le coup, on se moque qu'il n'y ait que peu de scénique : on ferme les yeux, et on se laisse emporter. Groupie, je vous dis.
Pour ceux qui ne connaissent pas les Tame Impala, sachez que ces petits Australiens sont influencés tour à tour par Pink Floyd, Jefferson Airplane, et les Beatles. Rien que ça. Autrement dit, quels que soient les albums que vous vous mettez dans les écoutilles, c'est excellent, de Inner Speaker sorti en 2010 à Lonerism, leur petit dernier. Mais sur scène... Quel ennui. Leur "psychedelic hypno-groove rock music" - à vos souhaits – les place loin, loin, très loin du public et les empêche visiblement de décrocher de leur micro et, surtout, d'apprécier la foule d'amateurs venue se presser pour les écouter. Le set est mou, lent, lassant, à vous faire soupirer et bailler aux corneilles : c'est une des (grosses) déception de ce festival, malheureusement.
On savait que Skin était un peu barrée, grâce à moult photos de confrères qui la montrent bouche démesurée collée au micro, dans des costumes, il n'y a pas d'autres mots, plus délirants les uns que les autres. La folie Skunk Anansie ne s'est pas émoussée avec le temps, rassurez-vous. Moulée dans un body rouge pailleté, version gym tonic que Véronique et Davina n'auraient pas méprisé, bref dans un look comme on n'en fait plus, Skin saute, saute partout, marche sur le public, se déchaîne à qui mieux mieux. Un classique donc, un peu déjà vu cependant, qui reste appréciable dans la mesure où sa musique ne nous fait pas un effet "boeuf", loin de là. Et l'inévitable "Just because you feel good", titre qui ne date pourtant que de 2011, nous fait quand même penser que Skunk Anansie est un peu has been sous bien des aspects...
"Le dernier album de Blur date de 2003. Bien qu'encore en activité, son avenir est aujourd'hui incertain." Voici donc comment Wikipédia présente le groupe mythique de Britpop. On voudrait secrètement que le petit rédacteur de cette petite phrase ait assisté au concert de Blur ce 8 juillet 2013 aux Eurockéennes. Parce qu'il se serait rendu compte, dès Girls and Boys, qu'il aurait mieux fait de se taire. Damon Albarn, toujours aussi charismatique, habite littéralement la Grande Scène. Sur l'avancée de celle-ci, de petites bouteilles d'eau s'alignent joliment. On a prévenu les photographes, avant le début du set : "be careful", en gros, ça va arroser, chéri. En effet, Damon Albarn, après quelques va-et-vient dignes d'un lion enragé dans sa cage, rôdant le regard aussi fixe que dur pour jauger le degré de fanatisme de son auditoire, arrosera public – et, nécessairement, photographes – dans un accès moins de folie furieuse et que de plaisir potache non dissimulé. Un spécialiste fanatique de mes amis a fait le tour de la setlist proposée, et s'extasie : "Beetlebum", "Song 2", "This is a low", "Trimm Trabb", "Caramel". Les mots ne sont parfois ni assez précis, ni assez forts pour qualifier l'intensité et la puissance émotionnelles que l'on ressent lors d'un concert. Il faudrait alors une interjection salvatrice, un "ah" de satisfaction, un "oh" d'admiration, un "eh" d'étonnement, qui se concluraient enfin par un "hum" de frustration : car cette fois-ci, c'est bien la fin des Eurockéennes, et il faut dire que le final a surpassé nos espérances... |