Toute proportion gardée, Carhaix s’est transformé en Coachella version centre Bretagne. 26 degrés en plein cagnard à 10 h, c’est relativement exceptionnel pour la région. Les Charrues attendent ce soir un des artistes qui était le plus convoité ces dernières années par les organisateurs : Neil Young. Cette venue est très attendue car les derniers « papys » du rock passés sur la scène Glenmor n’avaient pas laissé de souvenir impérissable ( Lou Reed et Bob Dylan). Mais en attendant la venue du loner et de son groupe Crazy Horse, il va falloir attendre cinq longues heures. J’ai trouvé un coin frais au point presse, donc j’écoute le début du concert de Féfé depuis cette tanière stratégique. En mai dernier, l’ancien rappeur du Saïan Supa Crew avait dû arrêter son concert à cause de problèmes de voix au festival Art Rock de Saint Brieuc. Aujourd’hui, ces problèmes semblent bien loin. Il offre au public une prestation généreuse qui réjouit les amateurs de Hip-hop funk.
C’est méfiant que j’appréhende la prestation d’Asaf Avidan. Son tube, chewing gum radiophonique entendu partout, sa crête, sa voix de fausset, bref l’Israélien avait à priori tout pour m’agacer et me faire fuir rapidement. Seulement voilà, accompagné de son groupe, il délivre finalement un set efficace et maîtrisé, surtout au regard de cette voix haut perchée qui ne tolère aucun ratage.
Il reste en gros une heure avant que Neil Young ne monte sur scène. Dilemme : Benjamin Biolay passe sur la scène Kerouac et les fans du loner commencent déjà à se placer… Il va falloir faire des choix. Biolay débarque un peu après ses musiciens, affublé d’un jean un peu grand, d’un t shirt noir et d’une veste en jean sans manches. On comprend que le dandy rock n’allait pas débarquer sur scène en costume sombre vu la chaleur, mais ce look est relativement étonnant. Au bout de deux morceaux je quitte la scène Kerouac pour aller me placer pour Neil Young. Malgré une forme olympique, Biolay a décidé de la jouer ouvertement rock et de délaisser les ambiances feutrées. Malgré cette mue réussie, on restera sur le Biolay version dandy des salles obscures et enfumées.
L’attente semble interminable. Sur la scène, le matériel semble d’une autre époque. Ces deux amplis Fender que je n’avais jamais vus et un Fender Deluxe d’époque… Une figure indienne donne un petit côté kitsch à l’ensemble.
Neil Young et son groupe sont à l’heure, décontractés. Vêtu de noir de la tête au pied, chapeau vissé sur la tête, T shirt d’une radio canadienne, le loner entame un Love And Only Love sans concession, sombre et électrique. Dans la foule des pères grisonnants lancent des regards complices à leurs ados… Un vieux briscard de cinquante balais fait un bon de 30 ans en arrière et c’est beau… Le temps marque les corps mais n’ébrèche pas les émois musicaux adolescents.
La première heure est résolument électrique. C’est intense, mais je suis bluffé par la maîtrise et surtout la décontraction de ces trois papys qui jouent devant plus de 50000 personnes. La plupart du temps, les trois complices jouent les uns en face des autres , très proches, sauf quand Neil Young doit se déplacer au micro pour chanter. A 22h 35 on comprend pourquoi Neil Young avait été intronisé « parrain » par la génération grunge. C’est un véritable déluge sonique de guitares en buisson d’épine… En fait on a là le « brouillon » que se réapproprieront Cobain et consorts…
A la fin de ce chaos sonore parfaitement maîtrisé, Neil Young troque sa Les Paul pour une guitare folk et un harmonica et la clameur monte. Petit interlude folk guitare piano dont une version superbe de Heart Of Gold et une reprise de Blowing in the wind qui rappelle cruellement le naufrage de Dylan l’an dernier.
Au final, le loner et ses cowboys encore fringants joueront 20 minutes de rab’ avec pour terminer un version habitée et électrisée de Hey Hey My My… Superbe.
On imagine bien Hanni El Kahtib un peu fébrile avant de monter sur scène. Qui ne le serait pas après le loner ?
Cependant le Californien s’en sort finalement pas mal du tout, distillant son rock garage avec classe et maîtrise.
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