Joli titre pour une triste métaphore, la campagne de Russie de Napoléon s’est soldée par la fameuse Bérézina : un échec complet. La compagne de Russie d’Edouard Moradpour raconte ses 20 années passées en Russie, dans la peau d’un publicitaire français. A noter que ce roman est "largement inspiré de sa propre vie". Il ajoute lui-même qu’il veut parler de cette femme qu’il a tant aimée, pour enfin tourner la page.
C’est par la fin que tout commence, le suicide de la douce et fragile Aliona, qu’Alexandre a aimé pendant huit ans. Rencontrée en Russie, vivant entre Paris et Moscou, le couple Le Chat pour elle et le Chien pour lui a 20 ans d’écart. Ce n’est pas un problème pour une femme russe, apparemment toujours flattée et croqueuse d’européens et de leur légendaire classe.
La lettre d’excuse, l’incompréhension d’Alexandre, l’espèce de soulagement muet qu’il ressent à ce moment traverse la frontière des mots et des pages, l’écriture très intime et personnelle rend l’émotion très palpable dans cette première partie du roman. Le lecteur comprend sans mal que la suite évoquera la reconstruction d’Alexandre, la tournure qu’il va donner à sa vie après ce drame.
Mais non, la deuxième partie nous transporte vingt ans auparavant, alors qu’Alexandre va en Russie "pour raisons professionnelles". Le pays, plutôt les femmes de ce pays le fascinent immédiatement. Les femmes Russes représentent les critères de la beauté parfaite (merci à Coco Chanel en passant, c’est elle qui a lancé la mode des femmes longilignes aux jambes interminables), et elles tombent toutes sous le charme d’Alexandre.
La deuxième partie du livre est un défilé interminable de femmes plus belles que les autres, limite long et ennuyeux… Surtout que la plupart de ces femmes partent au bras de l’homme de leur vie la plupart du temps, pour revenir tocquer à la porte d’Alexandre quelques mois plus tard. Mieux, elles ont elles-mêmes plusieurs liaisons "sans engagement". Une chouette vie de vieux garçon aimant les femmes sans s’engager.
Et pile au moment où j’ai failli m’arrêter, quand j’avais perdu le compte des Barbies, il rencontre Aliona qui le touche différemment. C’est elle, la femme suicidée du début. La troisième partie du livre commence. L’après. Les questions. Les tentatives de contact avec l’au-delà. Les expériences de mysticisme. Et la suite. Le coup de pied dans le fond de la mare pour ne pas couler. Je n’en dirai pas plus.
Edouard Moradpour a une plume élégante, il transcrit pudiquement sa douleur et nous fait partager ses doutes. Sans être passionnant, ce livre marque par sa franchise et son honnêteté. Alexandre n’est qu’un homme qui vit avec les choix qu’il a fait. Juste de quoi nous faire réfléchir sur les nôtres ? |