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puce L'invention de nos vies
Karine Tuil  (Editions Grasset)  août 2013

Années 80, Samuel, issu de la bourgeoisie intellectuelle, juif orthodoxe en rupture de ban suite à la révélation de sa condition d'enfant adopté, et Nina, fille de militaire français élevée dans la droiture, plutôt passive et réservée, s'aiment.

A l'université, ils ont rencontré Samir, fils d'immigrés tunisiens plébéiens, militant actif de la gauche prolétarienne, qui devient l'électron libre du couple. Et ce qui pouvait, devait arriver, arrive : Samir et Nina s'aiment.

Mais Samuel n'est ni beau joueur ni partageur. Usant de l'ultimatum et du chantage avec tentative de suicide, il déclenche volontairement un mécanisme sacrificiel chez Nina qui a vu son père détruit par l'abandon du foyer conjugal par son épouse. Brisé par ce choix imposé de Nina, Samir disparaît pour un nouvel horizon.

Vingt ans après, les deux premiers, respectivement éducateur social et mannequin pour les catalogues de grandes enseignes populaires croupissant dans une vie étriquée, découvrent sur leur écran de télévision le troisième qui parade à la une des médias américains comme exemple d'une réussite aussi spectaculaire qu'insolente d'un Français self-made man devenu un ténor du barreau et une personnalité du gotha par son mariage avec une héritière de la grande bourgeoisie juive newyorkaise.

Samir l'arabe musulman devenu Sami/Sam le juif séfarade a modifié le cours d'un destin qu'il voulait exceptionnel et qu'il subodorait placé sous le signe de la discrimination raciale et sociale à partir d'une méprise sur son origine, une méprise avalisée par son silence, puis une mystification délibérée rendue possible par une volonté déterminée de réussite mue par l'esprit de revanche, un véritable don pour le mimétisme et la simulation et le levier puissant que constitue l'esprit clanique.

Mais il n'a pas rompu totalement avec son passé - Nina qu'il aime toujours, sa mère à laquelle il envoie des subsides, un jeune demi-frère né d'un amour ancillaire élevé sans autorité paternelle dans la "cité" que la mère n'a jamais voulu quitter - qui va revenir frontalement avec la force décapitante d'un boomerang.

L'intrigue est nouée et Karine Tuil peut déployer son dernier opus en date, "L'invention de nos vies" qui s'inscrit dans la "planète Tuil", une planète consacrée à la question identitaire et, plus précisément, la judéité, autour de laquelle gravitent des thèmes satellitaires récurrents relatifs notamment à l'amour, au désir et au couple, aux rapports de force, de domination et de manipulation, qui régissent les relations humaines et à l'acte d'écriture.

En l'espèce, elle développe, en outre, les thématiques de ce qu'elle nomme la brutalité de la société contemporaine avec son diktat de réussite ("L'obligation de réussir - cette menace qui pèse sur vous dès la naissance, cette lame que la société vous place sous la gorge, qu'elle maintient fermement jusqu'à la suffocation et ne retire qu'à l'heure de la proscription") et celle du mensonge identitaire, selon la déclinaison des frères ennemis historiques qui n'est pas sans évoquer, toutefois sans l'abomination, celle du bourreau/victime traité par Edgar Hilsenrath dans "Le nazi et le barbier".

Et sans islamophobie ni philosémitisme, elle renvoie dos-à-dos dans leur concurrence victimaire "les Arabes [qui] réagissent encore comme si on cherchait à les dominer, à les coloniser, et les Juifs comme s'ils risquaient toujours d'être exterminés".

Autre référence induite par la configuration amoureuse, mais cinématograhique, celle du film "Jules et Jim" de François Truffaut mais qui tient davantage aux caractères des personnages.

D'une part, deux figures d'hommes construites à la manière du double, double à la fois antagoniste et complémentaire, le Don Juan et l’ascète, Samir l'Arabe à la libido exacerbée et Samuel le Juif névrosé, l'arriviste ambitieux et l'écrivain révélé mais raté dont la gloire personnelle est d'être un looser.

D'autre part, une femme, "la femme" représentation de l'éternel féminin, une femme charnelle, érotisée à l'extrême et échappant au clivage "maman/putain", celle qui "possède une attraction sexuelle naturelle, sans l'effort qu'exige la séduction, sans la ruse, qui est la seule à lui inspirer cette passion brute, brutale".

Fustigeant l'ambition générée, entre autres, par la soif de pouvoir et/ou de reconnaissance qui résulte selon l'auteure de "tous ces effets dévastateurs des rêves avortés de l'autorité parentale / du déterminisme / des utopies hallucinatoires", Karine Tuil, qui plonge successivement ses protagonistes dans une tragédie antique, un soap-opera et un drame filmique à l'américaine, leur impose une terrible épreuve expiatoire pour les conduire sur la voie du libre arbitre, pour, peut-être, enfin naître à soi-même.

D'une écriture nerveuse, voire rageuse et toujours radicale, qui ressortit parfois à la narration documentaire, et avec une lucidité presque clinique teintée d'ironie et une radicalité sans concession, Karine Tuil livre un roman caustique sur la foire aux vanités contemporaines et de belles pages sur l'amour ("l'attachement, cette maladie mentale"), l'obscénité du désir, la littérature ("Personne ne peut réussir en littérature. Ecrire, c'est se confronter quotidiennement à l'échec") et la vie "comme une fiction à écrire au jour le jour".

 

A lire aussi sur Froggy's Delight :
La chronique de "Interdit" du même auteur

En savoir plus :
Le site officiel de Karin Tuil
Le Facebook de Karin Tuil


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# 21 avril 2024 : Des beaux disques, des beaux spectacles, une belle semaine

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Du côté de la musique :

"Génération (tome 1)" de Ambre
"Out" de Fishtalk
"Take a look at the sea" de Fontanarosa
"Venus rising" de Trio SR9 & Kyrie Kristmanson
"Perpétuel" de Vesperine
"Liminal status" de Watertank
"The great calm" de Whispering Sons
"Keep it simple" de Yann Jankielewicz , Josh Dion & Jason Lindner
Quelques nouveautés en clips avec Isolation, Resto Basket, Greyborn, Bad Juice, Last Temptation, One Rusty Band, We Hate You Please Die
nouvel épisode du Morceau Caché, consacré à Portishead
et toujours :
"Kit de survie en milieu hostile" de Betrand Betsch

"Let the monster fall" de Thomas de Pourquery
"Etat sauvage" de Chaton Laveur
"Embers of protest" de Burning Heads
"Sin miedo" de Chu Chi Cha
"Louis Beydts : Mélodies & songs" de Cyrille Dubois & Tristan Raës
"Arnold Schönberg : Pierrot lunaire" de Jessica Martin Maresco, Ensemble Op.Cit & Guillaume Bourgogne
"C'est pas Blanche-neige ni Cendrillon" de Madame Robert
"Brothers and sisters" de Michelle David & True Tones
"Prokofiev" de Nikita Mndoyants
"Alas" de Patrick Langot, Alexis Cardenas, Orchestre de Lutetia & Alejandro Sandler
"Symptom of decline" de The Black Enderkid
"Tigers blood" de Waxahatchee
"Not good enough" de Wizard

Au théâtre :

les nouveautés :

"Sonate d'automne" au Théâtre Studio Hébertot
"Frida" au Théâtre de la Manufacture des Abbesses

"Preuve d'amour" au Théâtre du Guichet Montparnasse
"Après les ruines" au théâtre La Comète de Chalons En Champagne
"Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?" au Théâtre du Guichet Montparnasse
"Royan, la professeure de français" au Théâtre de Paris
Notes de départs" au Théâtre Poche Montparnasse
"Les chatouilles" au Théâtre de l'Atelier
"Tant que nos coeurs flamboient" au Théâtre Essaïon
et toujours :
"Come Bach" au Théâtre Le Lucernaire
"Enfance" au Théâtre Poche Montparnasse
"Lîle des esclaves" au Théâtre Le Lucernaire
"La forme des choses" au Théâtre La Flèche
"Partie" au Théâtre Silvia Monfort
"Punk.e.s" Au Théâtre La Scala
"Hedwig and the angry inch" au théâtre La Scala
"Je voudrais pas crever avant d'avoir connu" au Théâtre Essaïon
"Les crabes" au Théâtre La Scala
"Gosse de riche" au Théâtre Athénée Louis Jouvet
"L'abolition des privilèges" au Théâtre 13
"Lisbeth's" au Théâtre de la Manufacture des Abbesses
des reprises :
"Macbeth" au Théâtre Essaion
"Le chef d'oeuvre inconnu" au Théâtre Essaion
"Darius" au Théâtre Le Lucernaire
"Rimbaud cavalcades" au Théâtre Essaion
"La peur" au Théâtre La Scala

Une exposition à la Halle Saint Pierre : "L'esprit Singulier"

Du cinéma avec :

"Le déserteur" de Dani Rosenberg
"Marilu" de Sandrine Dumas
"Que notre joie demeure" de Cheyenne-Marie Carron
zt toujours :
"Amal" de Jawad Rhalib
"L'île" de Damien Manivel
"Le naméssime" de Xavier Bélony Mussel
"Yurt" de Nehir Tuna
"Le squelette de Madame Morales" de Rogelio A. Gonzalez

Lecture avec :

"Hervé le Corre, mélancolie révolutionnaire" de Yvan Robin
"Dans le battant des lames"' de Vincent Constantin
"L'heure du retour" de Christopher M. Wood
"Prendre son souffle" de Geneviève Jannelle
et toujours :
"L'origine des larmes" de Jean-Paul Dubois
"Mort d'un libraire" de Alice Slater
"Mykonos" de Olga Duhamel-Noyer
"Des gens drôles" de Lucile Commeaux, Adrien Dénouette, Quentin Mével, Guillaume Orignac & Théo Ribeton
"L'empire britanique en guerre" de Benoît Rondeau
"La république des imposteurs" de Eric Branca
"L'absence selon Camille" de Benjamin Fogel
"Sub Pop, des losers à la conquête du monde" de Jonathan Lopez
"Au nord de la frontière" de R.J. Ellory
"Anna 0" de Matthew Blake
"La sainte paix" de André Marois
"Récifs" de Romesh Gunesekera

Et toute la semaine des émissions en direct et en replay sur notre chaine TWITCH

Bonne lecture, bonne culture, et à la semaine prochaine.

           
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