Troisième et dernier jour au Fort de Saint-Père qui, au niveau de la programmation, fut la journée la plus mainstream et accessible. Le public s'est incroyablement rajeuni, si la population éphémère de la Route du Rock était un personnage de fiction, ce serait "Benjamin Button". Après un deuxième jour à moitié plein, l'affluence est aujourd'hui à son comble. L'alcoolémie rode et touche également à son paroxysme.
Comme tous les jours, les concerts prennent place sur la petite scène. Aujourd'hui, ce sera avec le groupe Widowspeak. Le duo composé de deux guitares électriques proposent un folk envoûtant porté par la douce voix de la chanteuse. On n'invente rien, mais cela met parfaitement dans le bain. L'on relèvera tout de même une faute de goût devenue quasi impardonnable avec une reprise de "Wicked Game" (le tube de Chris Isaak), qui fait sombrer le groupe dans un cliché du genre.
Junip monte alors sur la grande scène et il faut reconnaître que le groupe de José Gonzalez fut parfaitement dans la continuité de Widowspeak, avec un set tout en douceur. Le groupe présente son deuxième album en treize ans qui, pourtant élaboré sur des improvisations collective, ne laissera nullement place à l'invention spontanée avec un set un poil trop carré. Rien de bien grave néanmoins, l'ambiance reste au beau fixe et c'est tout ce qui compte.
Après une petite heure de pause, les Concrete Knives débarquent et surchauffent instantanément le Fort de Saint-Père alors légèrement endormi. Ce groupe made in France qui est le penchant normand de Skip The Use est hyper efficace sur scène, avec un show rondement mené. Musicalement en revanche, ça n'est pas très passionnant. Mais l'énergie est telle que la pilule passe finalement plutôt bien et donne la patate.
Les attendus Parquet Courts prennent d'assaut la petite scène, malheureusement elle fut inaccessible à cause de l'affluence encore plus forte sur ce petit lieu aujourd'hui, du coup nous sommes complètement passés à côté… mais si l'on en croit les échos, ce fut l'un des grands moments de cette 23ème édition. Ce qui n'est guère étonnant puisque nous avons tout de même regardé les écrans qui diffusait le concert et même sans le son, le set semblait particulièrement puissant. Le groupe que l'on pourrait qualifier de post-garage semble envoyer une décharge électrique aussi violente que le taureau sur la pochette de leur dernier album, le très bon Light Up Gold. Tant pis, ce sera pour la prochaine fois.
Du coup, nous sommes excellemment placés pour Tame Impala, sensation pop actuelle aux mélodies organiques, oniriques et entêtantes (voire carrément obsédantes). Le dernier album Lonerism était ainsi l'un des must have de l'année dernière. L'attente est énorme et la déception guette.
Tame Impala est loin d'avoir fait un mauvais concert, bien au contraire, mais le cahier des charges est loin d'être rempli. Les morceaux du disque qui ne demandent qu'à être allongés et qui invitent au jam se stopent net après de superbes montées en puissance ce qui est frustrant. Et c'est bien dommage car des morceaux comme "Apocalypse Dreams" sont parfaits d'un bout à l'autre et donc orgasmiques.
L'on reprochera aussi un évident manque d'énergie, le groupe est beaucoup trop statique et se repose sur un écran géant qui diffuse des motifs psychédéliques. Par rapport à l'attitude, l'on regrettera notamment que Kevin Parker (cerveau du groupe) soit souvent dos au public ce qui casse la proximité avec ce dernier pendant le set. Pourtant, on ne peut pas leur reprocher de s'en foutre puisque durant l'après-midi le groupe a privilégié une séance de dédicace quasiment hormonale auprès des fans plutôt qu'une conférence avec la presse.
Le son est ample et le cadre du festival est parfait pour le genre abordé et donne des ailes. La setlist est parfaite et pioche autant dans la nouveauté que dans Innerspeaker avec un magique "Solitude Is Bliss" et l'incroyable "Alter Ego".
Pour tous les fans, l'on conseillera de se plonger dans l'immense et insondable discographie de Todd Rundgren en attendant un éventuel troisième album avec le chef-d'oeuvre A Wizard, A True Star, dont Tame Impala reprenait le morceau d'ouverture : "International Feel".
A la surprise générale, Suuns s'empare de la petite scène, où le problème de taille n'aura jamais été aussi important. La grande scène eut été plus appropriée au niveau de l'affluence mais l'intimité avec le public fut cruciale pendant un set particulièrement glacial et hypnotique. Le groupe est parfaitement à l'aise : bouteille de Jack au pied, cancerette à la bouche. Voyage au bout de la trans, coup de maître, concert inoubliable. Le public et le groupe ne font qu'un, et l'expérience est presque métaphysique. Grand moment.
Registre plus léger pour la fin du festival avec Hot Chip, qui devrait s'intituler Hot Cheap, tant les compositions du groupe semblent être en carton. Pas grand chose à raconter donc sur un groupe qui n'a définitivement rien à dire. Pour leur défense, les échos entendus ici et là annoncent un concert bien plus dynamique que d'habitude.
Le jeune duo Disclosure prend la relève à 02h40 pour clôturer le festival en transformant le Fort de Saint-Père en véritable dancefloor, avec un vrai dispositif live comprenant une guitare et une batterie.
Malgré quelques déceptions, cette 23ème édition de la Route du Rock fut passionnante, le tout dans une ambiance optimale jumelée d'un temps adéquat (si l'on néglige les quelques gouttes de pluies).
Les découvertes furent nombreuses et l'on en redemande déjà. Alors vivement la prochaine collection hiver, puisque le public ayant été au rendez-vous (22 000 festivaliers), l'on ne peut qu'espérer une programmation du même acabit.
Un grand bravo également à tous les bénévoles (environs 600) et aux organisateurs pour tous ces beaux moments de musique. Grâce à eux, nous en sommes désormais sûrs : toutes les routes mènent au rock. |