"When someone comes to you in a dream and tells you to make an album about your homeland – the Orkney islands – would you disregard it ? Especially when that someone is Betty Corrigall, the Orcadian girl who in the 1770's killed herself having been cast out by her village after becoming pregnant by a visiting sailor ?"
Est-ce un fantôme, un spectre, un rêve qui est à l’origine de ce magnifique album ?
Le projet The Magnetic North né en janvier 2011 quand Gawain Erland Cooper, songwriter originaire des Orkney Islands, îles au nord de l’Ecosse, décide de mettre en pause son groupe Erland and The Carnival et invite Simon Tong (The Verve, The Good The Bad & The Queen, Blur) et la chanteuse Irlandaise Hanna Peel (Tuung, Duke Special).
Le titre Orkney : Symphony of The Magnetic North provient d’un livre de John Charles Gunn (éminent mathématicien et physicien Ecossais). C’est donc l’esprit de Betty Corrigall qui serait l’élément déclencheur de ce magnifique disque. La jeune femme a une histoire, sa propre légende qui se déroule au XVIIIème siècle. Amoureuse d’un mystérieux marin qui l’abandonne lorsqu’elle tombe enceinte, inconsolable et forcément, chassée par les habitants du village, elle décide de se jeter de la falaise mais elle est sauvée in extremis par une barque, elle décide alors de se pendre. Rien de bien réjouissant. Cette histoire deviendra une allégorie, une représentation du romantisme de cette terre sauvage battue par les vents, de la force de ses habitants face à des conditions de vie dures et une géographie inhospitalière.
Voilà ce que nous raconte le groupe, cette vie, ces vents, le romanesque d’une terre aussi belle qu’hostile. La nostalgie, l’amour, la tristesse aussi.
Le disque est une vague édifiante, un esprit balayé par la beauté aride, une lame de fond qui s’infiltre en nous. Il y a du Grieg, du Sibelius dans cette âme musicale. Il est impossible de ne pas être emporté par cette folk à l’orchestration (quatuor à cordes, chorale, cuivres, xylophone, vibraphone…) pléthorique, tantôt délicate, sombre ou brillante. Une musique faite de mélodies inspirées où la blanche écume varech qui s’écrase sur les rochers répond aux envolées spleeniennes.
Orkney : The Symphony of The Magnetic North possède cette beauté brute et parfois rêche, ce côté exaltant, galvanisant. On retrouve les harmonies déjà présentes dans Nightingale, le dernier disque d’Erland and The Carnival, on pense bien sûr aussi à Tuung ou Cheek Mountain Thief dans cette manière d’aborder la musique folk par le cœur, en jouant sur les ascensions émotionnelles.
Le film qui accompagne cette réédition (le disque est initialement sorti l’année dernière) est du même bois. Il rappelle quelque part Heima de Sigur Rós. A la maison. Parler de la terre, de sa terre pour toucher notre propre intimité. Les membres du groupe font un pèlerinage à travers la lande pour trouver la pierre tombale de Betty Corrigall, voyage initiatique vers la mort. Le film est doux, parfois drôle, toujours fort et émouvant. Il mélange commentaires des habitants, musique, le tout entrelacé avec la beauté stupéfiante de cette nature. Les gens, les paysages, l'histoire, une musique d’une force poignante font de ce disque un moment coupé du monde et nous laissent en pleine ataraxie. |