Trois années se sont écoulées depuis la sortie du premier album de Janelle Monáe, The ArchAndroid, quatre depuis la sortie de son véritable premier maxi The Chase Suite. Celle qui fut autrefois la protégée des membres d’Outkast a su s’effacer pour laisser place "à la personne sans peur qu’elle a toujours rêvé d’être". Autrement dit un robot !
Car depuis sa toute première "suite" (comprise dans The Chase Suite), elle a enfilé les costumes tuxedos cintrés qui font son style et la peau métallique de son alias Cindy Mayweather. Un robot qui a eu la malencontreuse idée de tomber amoureux d’un être humain, dans un monde où cela est formellement interdit.
Dès lors, et à juste titre, la chanteuse atteint un zénith improbable et avec son savant mélange de électro be-bop éclectique étend son ombre – bienfaitrice – sur toute une génération de chanteurs et chanteuses r’n’b, qui émergent dès 2011. Parmi lesquelles Frank Ocean, Esperanza Spalding, The Weeknd, Miguel, Autre Ne Veut ou encore Solange. Sans compter qu’elle fut carrément adouber par celui avec lequel elle partage tant et plus au niveau de la musique, Prince, en reprenant en live (et devant lui s’il vous plaît) le titre "Let’s Go Crazy". Performance réussie, puisqu’elle lui arracha un sourire, chose pratiquement improbable et impossible de la part de Prince quand il est question de reprendre (ou d’oser) toucher son répertoire.
Et justement ! Ce nouvel opus, The Electric Lady s’ouvre sur le très bien nommé "Givin’ Em What They Love" en duo avec ce même Prince. Inutile de vous dire que la chanson passe carrément pour un adoubement !
Plus mature, plus diversifié et ciselé avec des outils dorés, The Electric Lady s’offre à l’oreille avec toutes les promesses que son titre sous-entend. Une collection de 14 titres, 3 interludes (une radio pour/pro robot, rafraîchissante) et de 2 "Overture" qui comme d’habitude avec Janelle, permettent de diviser l’album en deux parties et de l’insérer dans la suite logique de ses précédentes sorties.
La suite numéro IV est une première partie tout en grandeur, puisque comme précisé plus tôt, c’est Prince qui accompagne la chanteuse sur un titre évoquant sans aucune difficulté l’attitude sexy, féroce et pourtant nonchalante de nos deux artistes. Alors que les non moins efficaces "Q.U.E.E.N." et "The Electric Lady" en duo avec respectivement Erykah Badu et Solange s’échinent l’un l’autre a prouvé la versatilité de Janelle, à l’aise sur des productions hip-hop autant que sur des sons plus pop/rock, à la manière du très efficace "Dance Apocalyptic" ! Quand le titre avec Miguel ("Primetime") s’impose comme une balade haute perchée – ou peu s’en faut – sur laquelle les deux voix s’illustrent avec une facilité déconcertante, réemployant les canons du genre, les rendant tolérables à ceux qui n’y entendaient jadis que des paroles mièvres (genre Mariah Carey, j’assume !).
A l’opposé la seconde partie n’aligne qu’une seule collaboration, non des moindres puisque c’est en compagnie de la chanteuse et compositrice de jazz, Esperanza Spalding. Ensemble, elles rendent hommage à l’une des premières actrices noires américaines de renom : Dorothy Dandridge.
Seconde suite (la Ve dans sa discographie) qui conduit la chanteuse et son alias robotique à se pencher plus en avant sur une introspection et sur les femmes qui ont marqué l’artiste. Dorothy Dandridge donc, mais aussi Sally Ride, clin d’œil évident à l’astronaute américaine, ou encore le titre "Ghetto Woman" qui se veut être une chanson vantant le courage des femmes qui ont la vie dure. Pour autant, et c’est là l’atout principal de la chanteuse, chacune de ses créations et clins d’œil s’imbriquent les unes dans les autres pour former une fresque musicale dont Janelle est le héros.
C’est donc un retour tout en grandeur et en finesse pour celle qui en à peine 3 années a su devenir une pièce maîtresse de toute audiothèque digne de ce nom. Et c’est avec plaisir que l’on constate que la chanteuse, malgré une notoriété bien méritée et une avalanche de duo ses deux dernières années passées, n’a pas perdu ni de sa verve, ni de sa créativité. Tout au contraire, avec The Electric Lady, elle signe peut-être l’un des albums les plus cohérents, sinon le plus réussi de l’année 2013.
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