Spectacle musical conçu par Juliette Deschamps et interprété par Rosemary Standley.
Si Rosemary Standley, chanteuse du groupe "Moriarty" qu'un Gainsbourg devenu Gainsbarre aurait défini comme un groupe "classieux", s'était simplement accoudée au piano de son excellent accompagnateur pince-sans-rire, Sylvain Griotto - capable entre autres de transformer en morceau épique le "Por que te vas" de Jeanette - et avait enchaîné les immenses chansons qu'elle interprète dans son tour de chant, la magie aurait opérée et personne n'y aurait trouvé à redire.
Mais "A Queen of Heart" n'est pas qu'un tour de chant d'une chanteuse hors norme, c'est un spectacle totalement magique, alliant nostalgie, élégance et poésie.
Rosemary Standley sort d'un rideau noir mais scintillant d'éclats lumineux : elle est vêtue d'une petite robe blanche à paniers, comme une danseuse des Ziegfeld Follies de l'époque des comédies musicales... Et la voilà qui chante "La Reine de Coeur", poème de Maurice Carême mis en musique par Francis Poulenc, puis "The Man I love" des frères Gershwin, suivi instantanément de "Put The Blade on Mame", chanson "mimée" par Rita Hayworth dans "Gilda" et chantée en vraie par Anita Kert Ellis.
Juste après, Rosemarie passe à l'espagnol pour le mambo rigolo, "El negro zumbon", tirée du film italien "Anna" où cette fois, c'est Silvana (Mangano) qui faisait semblant de chanter à la place de la fameuse Flo Sandon's...
Spectacle à la fois chatoyant et minimal, surchargé de références musicales et cinématographiques qu'il n'est d'ailleurs pas nécessaire de toutes saisir, ne se privant ni de l'ambiance des revues américaines ni de celle des cabarets berlinois, "A Queen of heart" a été conçu par Juliette Deschamps sous le signe de ces étoiles clignotantes d'excès, ces stars et ces divas toujours angoissées, à jamais poursuivies par le fatum.
Rosemary incarne une de ces demi-déesses qui ont cru atteindre l'Olympe et qui finissent par brûler leurs ailes, les yeux éteints derrière des lunettes exagérément noires. Au cours du spectacle, elle quitte la scène pour se changer : la petite fille pleine de gaieté dans sa robe blanche revient alors dans une robe fourreau plus sombre et plus sexy, laissant ses bras découverts, alors que de longs gants noirs couvrent ses mains jusqu'à ses avant-bras.
C'est le temps de la tristesse, de la mélancolie, celui de "Johnny Guitar", celui des mélodies de Carlo d'Alessio pour les films de Marguerite Duras. C'est le temps où la Marlène vieillissante n'est plus l'effrontée Lola Lola de "L'Ange Bleu". Alors Rosemarie Standley s'empare de "Sag mir wo die blumen sind", dans une version à tirer les larmes, puis ose "La nuit, je mens" d'AlainFrançois Menou Bashung. Sublime, forcément sublime...
Le spectateur écarquille les yeux : les robes de Vanessa Sannino sont magnifiques, les lumières de subtiles et judicieuses, la mise en scène et les décors de Juliette Deschamps ont l'assurance de l'évidence et de la simplicité.
La voix et la présence de Rosemary Standley font le reste : c'est un spectacle inoubliable que l'on emporte précieusement avec soi, dans son mouchoir et dans son coeur. "I've got the life". Oui, la vie est belle. |