Réalisé par François Dupeyron. France. Drame. 2h04 (Sortie 25 septembre 2013). Avec Jean-Pierre Darroussin, Grégory Gadebois, Céline Sallette, Marie Payen et Philippe Rebbot.
Auteur d'une douzaine de longs métrages, François Dupeyron est déjà un "vieux" routier du cinéma français. On sait qu'il aime les belles histoires, souvent les belles histoires d'amour et qu'il n'a de cesse de les mener jusqu'au bout de leur logique, même si cela doit passer par le cliché et le mélo.
Dans "Mon âme par toi guérie", scénario tiré de son roman "Chacun pour soi, Dieu s'en fout", il a pris pour schéma une histoire d'amour de type improbable, de type "La Belle et la Bête".
Ici, la "Belle" est une longue femme brisée par l'alcool et un amour passé trop fort, la "Bête" un homme pataud et costaud qui ne veut pas faire sortir de sa peau d'ours le Prince enfermé en lui...
L'immense Grégory Gadebois, qui fait paraître malingre le vieux Gégé Depardieu, a hérité d'un don de guérisseur d'une mère pélican qui vient de mourir. Tous autour de lui, et en particulier son père à casquette de base-ball et à tête de Darroussin, espère qu'il va enfin prendre son envol, accomplir les "miracles" qu'il se refuse à accomplir.
Dupeyron est allé un peu du côté de Jean-Claude Brisseau, celui de "De Bruit et de Fureur" et de "Céline", pour réussir un amalgame convaincant entre description minutieuse d'un milieu social et envolée dans un fantastique où la force de la volonté peut guérir les enfants dans un coma profond et désenvouter une femme prisonnière dans l'oeuvre d'un peintre.
Le milieu social, c'est celui de ces petits "prolos" qui vivent dans des bungalows fixés dans ses grands terrains de camping qu'on trouve en Provence-Côte d'Azur, dans le Var ou les Alpes-Maritimes. Dupeyron prend plaisir, sans le vérisme de pacotille d'un Jacques Audiard, à décrire la vie quotidienne de cette petite colonie de traîne-savates.
Le couple Marie Payen-Philippe Rebbot en est la parfaite expression. Ici, on peut partir puis revenir, chercher de la tendresse et de la compréhension dans la caravane voisine ou tout quitter un instant pour une jeune fille pas dégoûtée par un quadragénaire amateur de pastis...
Parallèlement, il y a la dimension fantastique, la rencontre théâtrale entre le guérisseur et la femme pleine de fêlures. Dupeyron sait que pour réussir l'amalgame du cliché et du mystère, il faut oser surjouer et savoir le faire dans le minimalisme.
Alors, il a confié ses personnages à la fine fleur du théâtre français le plus exigeant. La triplette Gadebois-Sallette-Darroussin aurait pu se retrouver sur des planches, mais c'est dans la belle lumière que sait tirer Yves Angelo des routes sudistes que roule la moto pilotée par un Grégory Gadebois saisi par la grâce à qui s'accroche l'enfin rayonnante Céline Sallette.
"Mon âme par toi guérie" de François Dupeyron est à cent coudées au-dessus de la production moyenne française. On lui prédirait bien quelques "Césars"... |