L'interview aurait pu avoir lieu dans une cave voûtée, dans un appartement branché. A cause d'un téléphone défaillant, l'entretien se fera par les internets. Si vous n'avez pas encore écouté, découvert Jessica93, il est grand temps de vous rattraper. Installez-vous, imaginez une pièce sombre, des lumières clignotantes rouges, une musique entêtante mélange de riffs répétés inlassablement, de rythmiques robotiques et métronomiques et d'ambiances sombres et plombantes venant se répercuter sur les murs. Vous y êtes ?
Peux-tu nous présenter Jessica 93 ?
Jessica 93 : Jessica 93, c'est un one-man-band à tendance plutot shoegaze / coldwave. La particularité est que les chansons se construisent autour de boucles de guitare ou de basse sur des boîtes à rythme statiques, mais des chansons qui évolue quand même avec un début un milieu et une fin, et puis une voix bien caverneuse. Imaginons un groupe de rock classique de quatre musiciens, tu aurais 3 musiciens qui savent jouer qu'un riff, puis le quatrième est un peu plus doué alors parfois, il change de riff pour les refrains. Et le chanteur serait toujours au fond d'une grotte.
Quel est ton parcours de musicien ?
Jessica 93 : J'ai commencé la guitare à l'âge de 14 ans je crois, sur celle de mon daron, le premier instrument que j'ai acheté vers 16 ans était une basse pourrie parce que des potes voulaient monter un groupe et il manquait un bassiste. A l'époque, je me rappelle avoir beaucoup de mal à situer un bassiste dans un groupe de rock, je me disais qu'il doit sûrement avoir la vie la plus chiante du monde vu qu'on ne l'entendait jamais. Même des bassistes à forte personnalité comme celui de primus, je n'avais pas l'oreille assez affinée. Puis moi je trouvais ça cool, étant assez timide, à 16 ans je me voyais bien sur scène en retrait, dans la pénombre entre deux spot light, un peu comme l'image que je garde du bassiste des Led Zeppelin, le mec qui sert à rien.
Au même moment, je montais un autre groupe avec d'autres potes, là il manquait un batteur, alors on a récupéré des bouts de batterie à gauche à droite et je m'y suis mis aussi. Du coup plus tard, j'ai joué dans pleins de formations, de mon initiative ou pas, d'un instrument ou d'un autre, les plus connus (ou plutôt ceux qui ont dépassé le stade de la simple répète) étant les Louise Mitchels, Missfist, Mobylette Facile et plus récemment Besoin Dead.
Comment peux-tu définir ta musique ?
Jessica 93 : Une espèce d'hybride entre le shoegaze et la cold wave. Je dirai que c'est comme si The Cure faisait du grunge ou que Nirvana avait viré cold wave, ou si tu préfères, Jessica 93 viendrait de Seattle en Angleterre ou de Londres dans l'état de Washington.
Pourquoi joues-tu seul ?
Jessica 93 : C'est venu grâce à des one-man-band comme Gregaldur de Cherbourg ou le tchèque Koonda Holaa que j'ai vu un paquet de fois, il y avait toujours ce truc de se dire, c'est quand même vachement pratique, tu n'as pas besoin de local de répète qui coûte un bras, tu n'as pas de problème pour caler des tournées ou des répètes parce qu'il y a toujours untel qui ne peut pas ou qui ne veut pas, tu n'as pas de mélodrame à la Dallas, tu as enfin un groupe fixe, parce que splitter avec soi même (à part Gregaldur à un moment, mais c'est bon, il s'est reformé), c'est quasi impossible donc tu n'as pas à recommencer un nouveau groupe avec tout ce que ça implique de recommencer à zéro, et puis un gros avantage aussi c'est qu'à la fin du concert, tu ne partages pas les trente euros en six. Après, se retrouver tout seul sur scène, c'est toujours ça le problème, le cap très compliqué à passer. Pour ma part, mon pote David Snug m'a vraiment poussé pour que je le fasse et au début évidemment, tu tournes de l'œil et tu maudits ta mère de t'avoir mis au monde, mais bon c'est comme tout, tu t'y fais.
Quelles sont tes influences, et ce que tu écoutes actuellement ?
Jessica 93 : J'ai tout un bagage de groupes indie principalement américains, assez banal somme toute, Nirvana, Jesus Lizard, Big Black, Sonic Youth et tout ce qui gravite autour, il y a à côté des trucs européens comme My Bloody Valentine, The Cure, Dead Can Dance, Public Image ltd ou Pixies (oui je mets ça dans européen), puis des trucs plus obscurs genre Trans Am, Sebadoh, les premiers Melvins.
J'ai commencé à sortir aux concerts à côté de chez moi, et à jouer dans des groupes qui tournent, et de là j'ai commencé à ne plus vraiment écouter de disques, pour des raisons financières déjà, et puis aussi parce que je voyais des groupes qui déchiraient carrément, et je pouvais les voir direct live, c'est autre chose de découvrir un groupe sur scène que sur disque. Et finalement ces groupes m'influencent beaucoup, Gregaldur et Koonda Holaa donc, mais aussi Headwar, The Dreams et pleins d'autres. Et plus récemment je découvre des trucs plus hard, plus expérimental noise genre Throbbing Gristle ou Pharmakon et ça m'inspire pas mal.
En ce moment, je réécoute à donf Where you Been de Dinosaur Jr, j'écoutais ce disque adolescent, j'aime bien redécouvrir des disques et dans celui-là j'adore les solos à rallonge, la basse est top aussi, comme sur "Not The Same" où elle donne le petit côté Planet Caravan de Black Sabbath. Avant que ma platine me lâche, j'écoutais en boucle le split Pastobeton/Glue et Divorce un groupe de Glasgow avec qui j'ai joué en février dernier et qui a malheureusement splitté depuis.
Que signifie pour toi activisme musical ?
Jessica 93 : Pas grand chose, j'ai du mal à associer la musique à des pensées politiques, à des causes x ou y. Je ne suis pour ma part vraiment pas dans la politique, je trouve ça d'un ennui mortel, et j'ai quand même réussi à ne pas me souvenir du nom du président français quand les parents de ma copine m'ont demandé qui avait gagné les dernières élections (rires). J'ai des principes, mais je ne veux pas en parler dans mes chansons. Par contre, le simple fait que je joue sous le prénom Jessica est vraiment intéressant, par exemple j'ai eu plusieurs fois la surprise d'être accueilli par des "han je croyais que ça allait être une bonasse" ou "tu vas montrer tes nibards, ce soir ?" et du coup sans rien faire ni rien dire, les pires connards se démasquent devant moi (rires), je trouve ça marrant de les voir se répandre dans leur connerie sans complexe. Cela me permet de voir direct à qui j'ai affaire et essayer de leur faire comprendre quoi que ce soit c'est peine perdue. Pour moi la musique, c'est du divertissement. Après tout dépend de comment c'est fait aussi, j'aime bien les Bérus par exemple, mais ça amène aussi à l'extrême inverse que peut être Légion 88. La musique n'est pas faite pour ça je trouve.
Le fait que l'on parle de plus en plus de Jessica 93 t'amène-t-il une certaine pression ?
Jessica 93 : Non je ne sais pas, je ne m'en rends pas bien compte à vrai dire. Je continue à bosser sur des nouveaux morceaux, à faire en sorte que les concerts se passent bien. Oui je remarque que c'est beaucoup plus simple de booker une tournée par exemple, beaucoup de gens me filent des coups de main pour que je trouve un plan quand je galère et il y a plus de monde qu'avant dans les concerts, donc c'est plutôt cool que flippant, j'en profite avant que ça se casse la gueule quand je sortirai le prochain disque et que tout le monde sera déçu. (rires)
Le futur ?
Jessica 93 : Je n'aime pas trop parler des trucs avant qu'ils soient faits alors je dirai simplement que des choses se profilent, pour l'exportation notamment. Je suis en tournée du 28 septembre au 15 octobre 2013 un peu partout en France, et une autre tournée avec Semi Playback et Unlogistic du 20 au 25 novembre 2013 qui passera par Bruxelles, et quelques concerts par-ci, par-là, toutes les dates sont sur mon site. |