S’il fallait le dire en deux mots, le cataloguer vite fait bien fait, le référencer à la va-vite, je dirais que Les mots précieux de Vison est du rock raffiné. Et pas seulement à cause de la référence au vison (forcément très très cher, donc uniquement accessible aux plus aisés d’entre eux, donc forcément raffiné et de bon goût). Pourtant, c’est mignon un petit vison, bon d’accord ça pue quand tu l’embêtes mais c’est mignon. Barbares !
Le mignon vison est pop, le porter en écharpe est punk. Voilà qui est dit. Cécile Jarsaillon et Jean-Benoît Nison ont créé de toutes pièces cet univers "passionné et brut, rare et précieux". La voix, c’est Cécile, un timbre androgyne et percutant capable de nananer "Les Petite Musiques" (parce que nananananana est l’entêtant refrain !) et d’hurler qu’elle hait le rock autant qu’elle l’adore. Le reste, c’est Cécile et Jean-Benoît, ainsi que Damien Nison et Julien Favreuille aux claviers et saxophones pour un peu-plus-de-mieux-qui-fait-bien-avec-le-reste.
Dans l’ensemble, l’album n’a pas l’erreur (de débutant ?) de proposer une foule de titres se ressemblant tous, ou carrément l’inverse : des titres sans liens. Ici, les treize titres sont comme une famille de cartes (la famille du vison bien sûr), avec la sœur chiante, le tonton déglingué, la grand-mère à lunettes, et le grand-père à moustaches… Ils ont tous ce petit air d’entre-eux entre cynisme, cauchemar et auto-dérision.
Ils seraient donc les Stephen King de la chanson. Un peu comme dans cette nouvelle où il vit sa propre autopsie, et se pose des questions existentielles qui seraient drôles en d’autres circonstances mais font un peu froid dans le dos. Vison a un titre nommé "Si demain je meurs", où le mort s’inquiète parce "qu’il saura tout de moi alors qu’on ne se connaît pas", des détails les plus intimes au dernier repas ingéré.
Côté thèmes, Vison ne se contente pas de faire la systémie du monde, le duo fait un doigt aux baratineurs, un genre de "oh, ça va hein", qui signifie réellement "fiche moi la paix avec tes idées toutes faites et ton esprit influencé". Et il parle aussi d’amour, entre "Les mots précieux" et "Danses nuptiales", mais aussi de départs et de ruptures ("Je vais perdre mon temps avec toi"). Ils chantent la guerre, le sang, l’exil et l’injustice.
Avant de vous laisser, jetons tout de même un œil au visuel de l’album qui mérite de l’attention. Tout en nuances de roses-violet-bleuté, deux enfants regardent par-dessus votre épaule droite leur monde fait d’assassinat à la bulle et de tentacules dentelées. C’est rose, c’est pop, ça pique, c’est punk. |