A droite, l’Italie, et ici, à votre gauche, voici l’Albanie, si vous regardez bien, au loin, là, juste derrière, vous verrez le Kosovo. Mais ne vous inquiétez pas chers touristes, nous sommes bientôt arrivés en Grèce, reste plus que 24 heures de bateau avant les Cyclades et vos vacances chères payées. La situation politique du pays ? Tenez, regardez madame, il y a des dauphins à la proue du bateau, si vous alliez leur faire coucou ?
Non, nous ne connaissons rien de l’Albanie, à part qu’elle se situe dans ce coin de monde touché par les conflits aux origines multiples. Anilda Ibrahimi est née en Albanie, elle y a grandi et y a exercé le métier de journaliste avant de déménager à Rome. Elle sait donc de quoi elle parle dans ce premier roman La mariée était en rouge, sur l’Albanie, librement inspiré de sa famille, de son histoire, de ses ancêtres.
Je n’ai pas encore décidé si j’avais trouvé le roman tragique ou fantastique. Parce que s’il m’arrivait ce qu’il arrive aux personnages, à commencer par Saba, l’héroïne de la première partie, ça serait une tragédie dans mon Europe natale. Mais selon Saba (et la mentalité Albanaise frisant la philosophie bouddhiste), leurs vies vont et viennent comme l’océan sur une plage : il emporte des choses, en apporte d’autres, aveuglément.
Le début : Saba, jeune albanaise de 15 ans, petite dernière chouchoutée d’une famille de beaucoup d’enfants épouse le mari-veuf de sa sœur (morte en couches). Vêtue de rouge, elle découvre un homme qui n’aimera jamais quelqu’un d’autre que le souvenir de cette sœur défunte. Et pourtant, syndrome de Stockholm ou pas, Saba trouve des qualités à cet homme qui la brutalise parfois. Au début, elle ne fait que "des petites sottes", s’attirant les quolibets de sa belle-mère et le mépris de ce mari imposé.
Et oui, c’était comme ça là-bas, les femmes aiment leurs enfants, elles les marient avant qu’il ne soit trop tard, les filles n’ont pas besoin d’autre éducation que celle d’enfanter et de cuisiner. Il est complètement faux de dire qu’il n’y a pas d’amour dans ce pays, les mamans sont toutes des louves, mais la culture n’est pas la même. Et c’est en lisant ce livre qu’on en prend toute la dimension, qu’on perçoit la philosophie (et non le fatalisme) dont font preuve les albanais. Ce qui est déroutant pour mon pays cultivé à la contestation.
Et la guerre éclate, après les conflits inter-villages, voici un conflit national, mal compris par les villages, et pas seulement parce que l’Albanie n’a pas notre culture patriotique Napoléonienne, embrigadant la jeunesse, tuant les meilleurs, instaurant le régime de l’attente et de la suspicion. Les conflits, ce sont des gens qui ne se connaissent pas qui se battent pour des gens qui ne s’aiment pas.
Anilda Ibrahimi nous raconte avec pudeur et élégance l’Albanie côté femmes, victimes des violences conjugales, des lois claniques et des héritages complexes. Elle nous décrit la fierté de ce peuple, sa culture toute faite de sagesse et de raisonnable.
Ma seule et unique expérience avec un albanais était mou, sans saveur, dégueulasse et très drôle (c’était un restaurant), voici ma seconde : émouvante, réaliste et sage. |