A une période où l'école est au coeur de débats, voire de polémiques, et de réformes récurrentes ainsi que souvent à la une de l'actualité pour les incidents qui y surviennent, le Petit Palais propose une très intéressante exposition, gratuite au demeurant, sous forme d'un regard rétrospectif sur l'école publique de la Troisième République.
Et ce par une approche inattendue qui est celle de l'iconographie des décors peints qui, du fronton au préau en passant par les salles de classes,
ornaient les écoles élémentaires des années 1930.
Beaucoup de ces décors ont disparu emportés par le vent de la modernisation mais demeurent les esquisses qui étaient présentées aux jurys de concours
qui désignaient le lauréat et c'est dans ce thésaurus qu'ont puisé les commissaires de l'exposition.
Isabelle Collet et Fabienne Cousin, respectivement conservateur en chef au Petit Palais et responsable du service éducatif et culturel au Petit Palais, Marie Monfort, conservateur du patrimoine, directrice de la Conservation des OEuvres d’Art Religieuses et Civiles et Marc Verdure conservateur du patrimoine à la COARC - ont sélectionné 80 esquisses inédites exposées pour la première fois et regroupées de manière thématique.
De belles images au service d'une école idéologiquement engagée
Cette exposition s'avère particulièrement intéressante à plus d'un titre, et, sans jeu de mots facile, riche d'enseignement.
Ordonnée selon un parcours qui est celui de la topographie de l'école, du préau à la cour de récréation,
elle a été conçue pour être participative et largement ouverte au jeune public avec notamment dans la salle "de classe" des installations pédagogiques multisensorielles.
Et scénographiée de manière plaisante par l'Agence Klapisch Claisse, elle recrée l'environnement scolaire d'une époque révolue qui amène bien des sujets de réflexion.
Avec les "fameuses" lois Jules Ferry votées sous la Troisième République sur l'enseignement public laïc et notamment celle sur la gratuité de l'école primaire, les années 1930 connaissent, avec l'ouverture des grands chantiers de la Ville de Paris, un essor prodigieux de l'architecture scolaire et marquent l'âge d'or du décor scolaire.
Un décor qui, nonobstant son intérêt purement artistique attaché à la peinture muraliste du 19ème siècle qui connaît un souffle nouveau sous le vent de la modernité, constitue une source iconographique révélatrice de l'idéologie qu'elle véhicule.
Car ce décor n'est pas laissé à la libre imagination des artistes postulants mais soumis au véritable cahier des charges que constitue la mission socio-politique affectée à l'école primaire.
En effet, au-delà de la finalité humaniste d'alphabétisation avec l'accès au savoir et à la culture pour tous, l'école primaire est au service de l'intégration républicaine qui vise à nationalisation de la société par l'Etat impliquant une "francisation" qui privilégie la fédération radicale autour d'un socle de valeurs et d'idéaux considérés comme les fondamentaux et ne pense pas l'école comme subordonnée à la diversité culturelle.
Les peintures murales et fresques qui ornent les écoles de la Troisième République matérialisent l'enseignement qui y est dispensé et qui vise à inculquer une vision conservatrice du monde régie par un double déterminisme.
D'une part, le déterminisme sexuel.
Non seulement l'école élémentaire ignorait la mixité, même si les écoles de filles et celles des garçons étaient contigües au sein d'un même bâtiment scolaire, mais, hors un tronc commun concernant l'acquisition des connaissances de base qui inclut un code moral et des principes hygiénistes, elle relayait une réparittion radicale des rôles.
Ainsi, l'univers domestique et la maternité pour les filles soumises à l’apprentissage de la couture et des arts ménagers, le monde du travail pour les garçons.
Et pour ces derniers uniquement le dur labeur dans le domaine agricole ou sidérurgique, parfois l'artisanat, exalté dans de véritables fresques héroïques.
Ce qui amène au deuxième déterminisme, le déterminisme social.
Loin d'être la porte d'un ascenseur social, l'école destinée aux enfants des classes populaires est un un outil politique de maintien et de perpétuation de l'ordre social qui les prépare à leur condition assignée par la naissance. |