Solo tragique pour marionnettiste écrit par Dennis Cooper et interprété par Jonathan Capdevielle dans une mise de Gisèle Vienne.
"Jerk" c'est un trio de choc pour un spectacle choc. Un spectacle violent, et déroutant qui interpelle sur la part maudite de l'homme et ses pulsions meurtrières quand se concrétisent parce que le meurtre est "sexy" et peut procéder à l'accomplissement de soi.
L'auteur, Dennis Cooper, écrivain américain figure majeure de la mouvance littéraire du queercore, y décline une de ses thématiques récurrentes qu'est la folie meurtrière juvénile.
Inspiré d'un fait divers étasunien des années 1970, il a écrit un solo tragique pour marionnettiste qui met en scène un jeune serial killer, survivant d'un trio d'homosexuels sadiques, tortionnaires, violeurs et meurtriers, qui, dans le cadre de sa thérapie carcérale et devant une classe d'étudiants en psychologie, dispense une représentation cathartique de ses exactions.
La metteuse en scène, Gisèle Vienne, également chorégraphe et plasticienne, qui explore les territoires border-line et ce qui ressort à l'inquiétante étrangeté, porte le texte de manière radicale.
Sur la scène nue, exposée pleins feux, le spectacle, dans lequel la marionnette, contrairement à la fonction de distanciation souvent affectée à ce médium, renforce le propos quant à la perception du corps de l'autre comme un objet, est porté par un comédien qui campe "Moi, David Brooks, drogué, psychotique et serial-killer" le tueur-narrateur-manipulateur .
Et quel acteur ! En bad boy à gueule d'ange avec sweat à capuche et Doc Martens, désarmant de candeur et de fragilité douloureuses, Jonathan Capdevielle, acteur par essence "interdisciplinaire", danseur, chanteur, performer, marionnettiste, ventriloque, réussit une incarnation stupéfiante provoquant simultanément effroi et fascination.
Car le psychodrame, qui n'apporte ni explication, ni jugement, révèle un grand désordre intérieur, étranger à la culpabilité, au remords et au regret, qui semble suscité tant par une morbide jouissance rétrospective que l'impossible résilience, aucun exorcisme thérapeutique ne pouvant bâillonner les âmes des corps suppliciés, et le voyage sans retour, au-delà du bien et du mal, dans les ténèbres de la folie.
Difficile de sortir sinon indemne du moins indifférent de ce spectacle sous haute tension expérientielle qui, par sa structure dramatique puissante et le questionnement sur les normes morales qu'il induit, s'inscrit dans la filiation du thêatre "in-yer-face" des années 1990.
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