Elle est professeure d’histoire géographie et partage son temps entre son métier, ses enfants et ses bouquins, Florence Roche nous offre L’Héritière des anges entre France et Italie du 18ème siècle.
"Elle avait cette chance-là : aimer chanter. Surtout elle avait une voix. Quelque chose qu'elle avait d'enfermé en elle, un don de Dieu comme disait Manille. Un cadeau. Personne ne lui avait rien appris mais elle savait chanter. Déjà très jeune. Elle ne savait pas alors que sa voix allait être sa chance. Et sa croix."
Elle, c’est Eléonore, jeune orpheline aux origines incertaines de 17 ans, élevée par Manille, forgeron chez les moines de l’abbaye des Pierres Plantées. Ce qu’elle aime par-dessus tout, c’est chanter. Et bien que ce soit strictement interdit par les fondements de l’église catholique (seuls les moines et les moniales formés ont la permission de chanter pour Dieu), elle se cache derrière un pilier pour chanter avec les moines. Mais pas de bol, elle se fait prendre et doit prendre le voile dans un austère couvent.
Autour d’elle, son don est perçu comme une malédiction, ce qu’elle ne conçoit pas (nous non plus), jusqu’au jour où Manille, son ange-gardien-ersatz-de-père-confident lui révèle ses origines tumultueuses, avant d’être retrouvé assassiné, marqué de la croix huguenote. C’est à partir de ce moment-là que l’histoire prend toute sa dimension. Et que les principes religieux se révèlent absurdes.
Dans ces Cévennes de ce début du 18ème siècle fait rage la guerre des Camisards. Pour la faire courte (et simple), les camisards sont les protestants français de la région des Cévennes, des huguenots traqués par les catholiques (qui se croyaient une fois de plus les meilleurs du monde). Louis XIV décide (un matin où il s’est levé du pied gauche à mon avis) de révoquer l’Edit de Nantes, précieux sésame de tolérance signé par Henri IV, reconnaissant la liberté de culte aux protestants.
Et là, c’est le drame, les huguenots sont pourchassés, convertis au catholicisme de gré ou de force (ce qui signifie pour certains l’hypocrisie ou la mort). N’étant pas d’accord (on n’en attendait pas moins), certains huguenots forment une petite armée baptisée camisards, luttant contre la contre-réforme, commettant actes de malveillance et vengeance envers les catholiques. Vous aussi vous trouvez que ça ressemble à un autre prétexte de conflit religieux du 20ème siècle ?
Mais revenons-en à L’Héritière des anges, Eléonore apprend qu’elle est la fille du grand prophète des protestants,Laflaucheur et héritière d’une famille de bénis du chant,les Larmoso. A partir de là, elle n’a de cesse de marcher sur les traces de ses ancêtres et de retracer son passé. Remarquée partout où elle passe (où elle chante plutôt), Eléonore aiguise les passions et les jalousies, mais elle suit son destin et finira par découvrir le déconcertant secret de ses origines.
Florence Roche a une plume légère et palpitante, elle nous emmène sans effort à la suite de la quête initiatique d’Eléonore, des abbayes silencieuses aux opéras italiens, du fin fond des Cévennes au cœur de Paris, nous suivons cette femme hors du commun, qui sait ce qu’elle veut et ne se laisse pas décourager par les embuches qui semblent pousser sur son passage. |