Tragédie de Corneille, mise en scène de Brigitte Jaques-Wajeman, avec Yacine Ait Benhassi, Marc Arnaud, Anthony Audoux, Pascal Bekkar, Sophie Daull, Marion Lambert, Pierre-Stéfan Montagnier, Malvina Morisseau, Aurore Paris, Thibault Perrenoud et Bertrand Suarez-Pazos.
Brigitte Jaques-Wajeman a entrepris de mettre en scène le quintet dramatique de Corneille constitué de ses tragédies dites "coloniales" en ce qu'elles ont pour toile de fond les expéditions extra-territoriales de l'Empire romain.
Après "Suréna" et "Nicomède", voici "Pompée" qui transporte le spectateur au coeur de l'empire égyptien dans le palais du jeune roi Ptolémée.
Pour conforter son trône face à l'Empire romain et feindre de s'attirer les bonnes grâces du consul romain, le jeune roi Ptolémée, irrésolu et caractériel (Thibault Perrenoud étonnant) décide, sous les conseils appuyés de son éminence grise Photin (Marc Arnaud machiavélique) et du général des armées (Yacine Ait Benhassi), de faire assassiner Pompée, rival malheureux de César venu se réfugier en Egypte dont il était un allié.
Par ailleurs, sa soeur aînée, la belle Cléopâtre (Marion Lambert excellente), qui nourrit autant l'amertume d'avoir été primée par son frère que l'ambition politique démesurée de devenir "la maîtresse du monde", conspire et actionne le levier féminin par excellence qu'est la séduction auprès de César (Pascal Bekkar aussi parfait en militaire intraitable qu'en amant énamouré).
Mais c'est oublier que César est romain avant que d'être homme ce que lui rappelle Cornélie, la veuve de Pompée (Sophie Daull grandiose), qui réclame la tête de Ptolémée.
Et dans l'univers des rois, des reines et des politiques, les passions, de l'amour au goût du pouvoir, sont portées à l'incandescence.
En sus de la beauté de l'écriture, la partition de Corneille est magistrale en ce qu'elle constitue un véritable vademecum du droit public, de la raison d'Etat et du fait du prince avec une dissection captivante des mécanismes du pouvoir et de la mécanique des passions et est admirablement servie par la mise en scène de Brigitte Jaques-Wajeman et l'interprétation remarquable de tous les comédiens qui déjouent tous les pièges de l'alexandrin.
Dans la scénographie à l'esthétique aussi sobre que hiératique de Yves Collet, décor unique et commun à tous les opus mais dans des déclianisons chromatiques différentes, en l'espèce une trichromie noir, bleu et argent, une salle de réception où se nouent les intrigues de cours, s'expriment la passion amoureuse, se concluent les traités et se fomentent les complots, tout est maîtrisé.
Diction parfaite, phrasé fluide, gestuelle moderne mais toujours élégante et expressive, les comédiens portent haut l'opus dans une parfaite choralité.
Quelle leçon ! Quel spectacle ! Bien évidemment indispensable pour apprécier la sublime langue française du 17ème siècle, la munificence du verbe cornélien et la permanence des passions humaines.