Joao Ricardo Pedro appartient à la nouvelle génération d'écrivains unanimement saluée qui renouvelle la littérature portugaise et qui est soutenue en France par les Editions Viviane Hamy.
Celles-ci publient le premier roman de cet ingénieur (re)converti à la littérature à la faveur, en l'occurrence, d'un licenciement qui l'a conduit à l'écriture de "La main de Joseph Castorp".
Avec une écriture précise et économe en mots, sans démonstrativité ni sentamentalisme mais d'une grande intensité émotionnelle, il livre un opus maîtrisé dont la réussite tient à l'intrigue polymorphe, à ses parti-pris formels et à l'interactivité presque ludique qu'il propose au lecteur.
Sur le fond, la trame romanesque repose sur l'histoire d'une famille issue de la grande bourgeoisie de Porto sur trois générations reconstituée par bribes par son dernier descendant, à différents âges, qui transcende la réalité et investit ses secrets, avec ce que cela implique de transmission et de mythologie qui la doublent d'un roman d'éducation, et que Joao Ricardo Pedro décline de manière polymorphique.
D'une part, parce qu'elle est imbriquée avec l'histoire "majuscule", dont les résonances seront sans doute patentes pour le lecteur au fait de l'histoire moderne du Portugal, et plus précisément de la période de la dictature salazariste. D'autre part, parce qu'elle se combine avec une chronique sociale à travers la vie d'une petite communauté montagnarde avec une galerie de personnages savoureux voire surréalistes.
En la forme, la structure n'est pas celle du roman au sens classique du terme du fait d'un chapitrage qui ressortit au recueil de nouvelles, des nouvelles qui pourraient se lire de manière indépendante et aléatoire ce qui permet à l'auteur, qui, en sus, s'affranchit de la linéarité chronologique, de pratiquer, placé sous l'égide du réalisme magique avec un bel usage de la litote et de la métaphore, le mélange des genres du tragique au burlesque en passant par le comique et le fantastique.
Ce qui contribue non seulement à constituer un roman puzzléique mais également un roman d'emboitement qui, à la manière des poupées gigogne, repose sur un mécanique de révélation qui aboutit à la découverte de la dernière poupée qui est pleine et dont le contenu est laissé à l'imaginaire sinon la perspicacité du lecteur.
Car l'auteur ne livre pas toutes les réponses. D'où cette interactivité roborative alimentée par ailleurs par des personnages périphériques et "mystérieux".
Mais, peut-être, n'y a-t-il pas de mystère et que tout est révélé à celui qui sait lire entre les lignes... |