Un roman qui vous rappellera votre devoir de mémoire, au cas où vous l’auriez oublié. Un roman qui vous posera la question : et vous ? Qu’auriez-vous fait ? Parce que c’est bien beau de sécher les cours pour suivre les leaders dans la rue et s’arrêter au bar du coin pour boire un coup. Mais en cas de vrai problème, comme une guerre mondiale, nous soulèverions-nous ? Aurions-nous des actions véritables ? Continuerons-nous de vivre notre bonhomme de chemin en laissant la politique à qui de droit ?
Isabelle Artigues a bien dû se poser la question en écrivant ce brillant premier roman, Les petits Mouchoirs de Cholet. A travers Louise, il raconte la vie et la tournure qu’a pris le destin tout tracé d’une bonne partie de l’humanité dès 1914. L’orage grondait depuis 1870, la France avait perdu une partie de son territoire au profit de l’Allemagne. Et l’assassinat d’un archiduc autrichien en visite diplomatique en Serbie fut la goutte qui fait déborder le vase, le prétexte à la furie : la déclaration de guerre au voisin, l’activation des mécanismes d’alliance, d’entente et… que le massacre commence.
Il ne nous reste bien peu de poilus pour entrevoir la réalité dans leurs yeux délavés, pour déceler ce traumatisme qui changea le monde. Mais comme tout traumatisme qui se respecte, il est possible d’y voir du bon, dont les progrès économiques et technologiques qui ont suivi le conflit (ainsi que la croissance… j’ai eu une professeur de sociologie passionnante qui affirmait que seul un bon gros conflit permettrait au monde de remonter de la pente crisoïdale dans laquelle il s’enfonçait).
Louise a 10 ans en 1907, son père vient de mourir d’une septicémie suite à un méchant coup de faux, qui laisse une vilaine blessure qui ne guérira jamais. Elle vit dans une campagne tranquille et reculée de France, rythmée par les saisons, les mariages, les décès, les naissances. Une douceur de vivre tellement difficile à retrouver de nos jours.
Quand la guerre éclate, Louise part travailler dans la capitale, au guichet des trains. Avant de quitter la proximité rassurante de sa famille, sa mère lui donne un petit mouchoir de Cholet, spécialité du Maine-et-Loire, un joli carré de tissu rouge. L’IPNS n’était pas encore passé par là, se moucher dans son coude ou dans un Kleenex Pure & Clean saveur menthe décongestionnante (et polluante) n’était pas encore d’actualité, les gens avaient tous un de ces carrés de tissu dans la poche ou la manche, et le lavait si nécessaire (de l’usage bio, du vrai !).
Louise part donc avec sa petite valoche, son sacré caractère et son précieux mouchoir et file à Paris. C’est là-bas qu’elle rencontrera Paul, l’homme qui changea sa vie. Louise l’anticonformiste allergique au destin tout tracé suit tout de même le signe que lui donne le destin : à leur première rencontre, Paul lui donne un petit mouchoir de Cholet (sa famille travaille dans la fabrique). Il est médecin et emmène Louise l’assister dans les hôpitaux de campagne érigés proches des zones de conflits.
Ce qui m’étonne à chaque fois, c’est que malgré l’horreur de la guerre, Louise et l’ensemble de sa génération se désolent évidemment du conflit et de ses ravages, mais continuent de vivre et d’avancer, au jour le jour, un pas après l’autre, continue ntde rire, de tomber amoureux, d’établir des projets d’avenir. Parce qu’à chaque moment de cette guerre (qui eut, je vous le rappelle, une longue année de conflit de position, s’enlisant dans la boue des tranchées favorable à la propagation des épidémies et des poux en tous genres), chaque personne portait dans le cœur l’issue du conflit, que la guerre n’allait pas durer éternellement.
A travers de destin de Louise, Isabelle Artiges nous offre une nouvelle vision de la tristement célèbre première guerre mondiale, d’une écriture fluide et légère, l’auteure réussit à nous plonger dans cette époque… et à nous concerner dans l’Histoire. |