Récit à deux voix d'après Roger Martin du Gard dispensé par Jean-Claude Berutti et Christian Crahay dans une mise en scène de Jean-Claude Berutti.
Il n'y a rien d'africain ni d'exotique dans cette partition pour deux voix intitulée "Confidence africaine" adaptée de la nouvelle éponyme de Roger Martin du Gard, l'Afrique, plus précisément la ville de Tunis, servant uniquement de toile de fond à une tragédie intime.
Cette entreprise de transposition théâtrale d'un texte littéraire menée brillamment par Jean-Claude Berutti, qui signe également la mise en scène conçue comme une épure et s'est distribué dans le rôle du narrateur, est d'autant plus réussie qu'elle constitue techniquement et stylistiquement une gageure absolue s'agissant, simultanément, d'une confession profane, de la révélation d'un amour interdit et d'une tentative de résilience, qui ne ressortit pas au "spectaculaire".
Comme dans la tragédie classique dont la fin est dans le commencement, ce récit au dénouement bouleversant, est annoncé par un prologue par lequel, en adresse au public, le romancier qui en fut le confident en livre les prolégomènes.
C'est au début du 20ème siècle, sur un pont de paquebot au cours de la traversée de la Méditerranée, qu'un homme dévoile le drame de la vie qui l'aura conduit d'une chambre, puis d'un lit, partagés avec sa soeur de l'enfance à l'âge d'homme, à la tombe d'un enfant mort et enterré loin de sa famille.
Une telle histoire ne saurait s'accommoder d'effets et de décors pittoresques et c'est donc sur un plateau nu avec juste deux fauteuils de pont que deux comédiens dans l'excellence de leur métier devenu un art dispensent une partition sensible portée par la langue au réalisme à la fois limpide et profond de Roger Martin du Gard.
La partition théâtrale dans sa construction simple au trait clair et les deux officiants livrent une prestation sans faute et sans verser ni dans l'humeur ni dans le numéro d'acteur.
Dans le rôle sans doute le plus ardu car le jeu repose sur l'écoute sensible et l'accompagnement non verbal, Christian Crahay est parfait dans la bienveillante neutralité du confident qui, d'un simple geste de la main manifestant sa compréhension incite à poursuivre et, peut-être, manifeste une objective compassion.
Jean-Claude Berutti est le narrateur époustouflant qui, sans pathos, raconte une histoire qui sous la narration de ce que fut un amour condamné dans une famille italienne du 19ème siècle est celle de l'innocent qui en fut l'otage et la victime sacrificielle.
Et il n'y a rien d'autre que le talent immense de ce duo à la belle complicité qui fait oublier au spectateur qu'il est au théâtre. |