Spectacle conçu et mis en scène par Thomas Ostermeier d'après la nouvelle éponyme de Thomas Mann, avec Josef Bierbichler, Leon Klose/ Maximilian Ostermann, Martina Borroni, Marcela Giesche, Rosabel Huguet, Sabine Hollweck, Felix Römer, Mikel Aristegui, Kay Bartholomäus Schulze et les musiciens Bernardo Arias Porras et Timo Kreuser.
Thomas Mann, "Mort à Venise" et Thomas Ostermeier, voilà de quoi enflammer l'imagination.
D'autant que la nouvelle de l'auteur allemand, dont la transposition théâtrale manquait à l'appel, a suscité trois adaptations remarquées dans les disciplines de la danse par le chorégraphe allemand John Meuier, de l'opéra par le compositeur britannique Benjamin Britten et le cinéma avec le film-culte chef-d'oeuvre de Luchiono Visconti.
Né du développement d'une micro-partition réalisée lors du Festival International de Théâtre de la Biennale de Venise 2011, où il a reçu le Lion d’argent pour l'ensemble de son travail, dans le cadre d'un atelier théâtral sur la thématique des péchés capitaux, auquel participait également six autres metteurs en scène mainstream dont Rodrigo Garcia et Romeo Castellucci, ce spectacle s'avère ambitieux par sa tentative de syncrétisation multidisciplinaire.
Mais sa proposition, qui ne manquera pas de déconcerter ses "fidèles", déçoit non pas tant par la liberté d'adaptation, qui ressortit davantage à l'évocation de l'oeuvre originale, ou le procédé de l'assemblage performatif, au demeurant non concluant, mais par son choix de se déporter de la parole incarnée vers un théâtre du silence et des "emprunts" stylistiques connotés en ce qu'ils constituent la "marque de fabrique" de certains de ses homologues.
S'agissant de l'argument, l'écrivain quinquagénaire Gustav Aschenbach est devenu un largement sexagénaire chanteur d'ambiance (composition magistrale dans le pathétique de Josef Bierbichler) sévissant dans Grand Hôtel proustien - signifié par le décor de salle à manger avec ses larges baies occultées de rideaux blancs agités par une brise marine - qui "exécute" les lieder composés par Gustav Mahler sur des poèmes de Friedrich Rückert intitulés "Chants pour des enfants morts".
Sa libido en perdition est tourmentée par un adolescent qui n'est plus l'ange de la mort travesti en jeune éphèbe blond à la beauté antique, symbole du désir sublimé, mais par la trivialité du plaisir sexuel exacerbé par le corps à la jeunesse insolente d'un jeune garçon brun à l'attitude provocante à la manière des ragazze de Pasolini
Dans ce théâtre sans paroles orchestré par Thomas Ostermeier, sans autre texte que les extraits lus par l'acteur français François Loriquet, piètre officiant qui semble les déchiffrer et les livre de manière atone, tout passe donc par le non verbal et surtout le jeu des regards qui est fort peu théâtral.
Ce qui implique le recours au gros plan cinétique mais, en l'espèce, par l'usage warlikoswkien de la caméra-vidéo en direct avec caméra au poing et images "sales" projetées sur un peu esthétique écran blanc.
Le spectacle en format court, à peine plus d'une heure, s'achève par une partition chorégraphique sur une composition musicale bruitiste de Timo Kreuzer avec trois nymphettes sous un déluge de flammèches consumées, scénographie qui, certes, évoque la mort de Aschenbach, dont le nom signifie "ruisseau de cendres", mais surtout celle de l'épilogue de "The Four Seasons Restaurant" de Romeo Castellucci. Dommage. |