Il est des groupes comme La Rue Kétanou qui constituent un épisode de la bande son de ma vie. Je vous l’accorde, c’est assez cliché de dire ça, mais n’existe-t-il pas un titre, un air qui a le don de vous transporter des années en arrière ? Vous fait perdre quelques années ? Vous rend un peu d’insouciance ?
"Si Maître Corbeau sur son arbre perché voulait partager son fromage" ("Maître Corbeau"), c’était il y a 15 ans à peine, c’était il y a 15 ans déjà, Florent Vintrignier, Olivier Leite et Mourad Musset formaient le fabuleux trio de chansonnier : La Rue Kétanou. Nom : liberté, prénom : saltimbanques, adresse : la Navarre (et partout aussi).
Ces trois là se sont rencontrés au sein d’une compagnie d’art du spectacle. Le jeu d’acteur est déjà dans leur sang, et leur confier une guitare et l’art de la poésie fut une forme d’accomplissement. Tryo produit leur premier album en 2000, de bouche à oreille, de mélodies en rimes enjouées, du bon cœur, de la générosité et de l’énergie à revendre font leur succès. Jamais démenti depuis.
Ils auraient pu prendre la grosse tête, mais non. A chaque écoute, La Rue Kétanou a su rester humble (et généreux, mais je l’ai déjà dit ça). Ils donnent envie de folâtrer dans les rues et de taquiner les grincheux (juste pour qu’ils nous donnent un sourire). Dans Allons voir, leur sixième album, ils font rire, pleurer, s’ouvrir les yeux et s’émerveiller d’un rien… Ils font vivre du bon côté alors.
De l’enjouée "La guitare sud-américaine" pour raconter les nuits passées à s’écorcher les médiators pour aligner des accords corrects, aux hommages aux femmes fières, aux dignes et aux têtes hautes ("Négrita", "Le grand Chelem", "Patricia"), en passant par les profondes révoltes pudiques (restons dignes et généreux) : "Le chien", "Interdit"… La Rue Kétanou ne laisse pas la place aux ronchons, aux prises de tête, aux râleurs et aux mécontents.
Parce qu’il y en a marre de crier pour se faire entendre, de grogner pour être crédibles, de tirer sur l’ambulance, de critiquer à tout bout de champ… et si on regardait un peu de l’autre côté, et si nous allions voir ailleurs ? Du côté de La Rue Kétanou par exemple. Entre jazz-harmonica, rock-accordéon, manouche-guitare, ils sont les troubadours que je vous souhaite.
Est-ce la maturité qui leur fait chanter la liberté d’un ton si posé ? Est-ce la sagesse qui leur fait chasser la tristesse et sa grande copine la colère d’un doux plumet d’utopie crédible ? Suffirait-il simplement de dire bonjour en souriant pour que ça s’arrange ? Je crois que oui.
De la générosité contagieuse, de l’indulgence, des sourires, des nouvelles rencontres en bas de la rue, des instants de solitude… Une sorte de familiarité se dégage d’Allons voir, un peu comme retrouver des amis sans hypocrisie, en toute franchise, et beaucoup de générosité. |