Pour fêter son 80ème anniversaire et, n'oubliant pas que ses collections se sont constituées grâce aux legs d'artistes, de familles d'artistes et de collectionneurs privés, le Musée Marmottan-Monet, haut lieu de l'impressionnisme, propose une exposition singulière à plus d'un titre.
En effet, intitulée "Les Impressionnistes en privé", elle propose une traversée de l'impressionnisme à travers cent toiles détenues par des particuliers dont la quasi totalité n'a jamais été présentée au public.
Ainsi est-il rendu hommage aux amateurs et collectionneurs privés "historiques" qui ont, notamment sous l'impulsion du marchand d'art Paul Durand-Ruel, acquis les oeuvres des peintres impressionnistes refusés aux salons officiels et exclus des institutions académiques.
Les commissaires de l'exposition, Marianne Mathieu chargée des collections du Musée Marmottan-Monet, et Claire Durand-Ruel Snollaerts, historienne d’art, se sont attachées à réunir des oeuvres qui illustrent la spécificité d'un mouvement pictural qui tient au ralliement à une esthétique commune résultant d'une hybridation transcendée de l'art hollandais du 17ème siècle et de la peinture de paysage anglaise du 18ème siècle et à l'individualisme conceptuel de chaque artiste.
Les Impressionnistes en privé : des toiles et des pépites
Dans le nouvel espace que le musée a dédié aux expositions temporaires et une scénographie lumineuse de Anne Gratadour, le parcours est articulé par deux sculptures, une terre cuite étude pour "Le Penseur" de Auguste Rodin et un bronze rarissime, "La petite danseuse de quatorze ans" de Edgar Degas qui délimite l'espace central qui est consacré à ce dernier.
Conçu comme un panorama didactique et chronologique, le souhait des commissaires a été de tracer "une brève histoire de l'impressionnisme, depuis ses prémices jusqu'à ses derniers feux" en compagnie des figures majeures de l'impressionnisme dont le chef de file sera Edouard Manet présent avec une des pépites de l'exposition qu'est l'esquisse du tableau "Un bar aux Folies Bergère" qu'il a présenté au Salon de 1882.
Car depuis les paysages des précurseurs Jean-Baptiste Corot, Eugène Boudin et Johan Barthold Jongkind aux
aux prémisses de l'expressionnisme abstrait avec les toiles tardives de Claude Monet ("Hémérocailles au bord de l'eau" et "Leicester Square la nuit"), cette exposition est parsemée de véritables pépites.
Elles scandent un parcours qui, par ailleurs, est rythmé par des pôles monographiques, des appariements thématiques et des focus qui sollicitent l'attention.
De nombreuses toiles sont exceptionnelles parce qu'inédites telles "Madame Renoir et son chien" de Pierre-Auguste Renoir et ses "Roses et pivoines dans un vase" relevant de surcroît d'un genre peu pratiqué par l'artiste ou émanant d'un peintre à la production restreinte comme Frédéric Bazille mort prématurément avec "La terrasse de Méric" version première, et radicale, de "Réunion de famille" détenu au musée d'Orsay.
Il en va de même avec
le portrait du père de Edouard Degas ("Pagans et le père de Degas"), l'esquisse du tableau "Un bar aux Folies Bergère" présenté par Edouard Manet au Salon de 1882 et des toiles de la figure de proue de l'impressionnisme qu'est Berthe Morisot.
Le visiteur pourra ainsi découvrir deux de ses oeuvres de jeunesse ("Portrait de jeune femme", "Les lilas à Mauricourt")
et deux toiles jamais montrées ("Portrait de Paule Gobillard" et "Jeune femme et enfant dans une île").
Autre découverte tenant à leur grand format, les tableaux de Gustave Cailebotte.
Ils illustrent le traitement impressionniste de la peinture de paysage avec le paysage horticole des jardins privés ("Les dahlias de Genevilliers", "Les soleils") et le paysage urbain avec vue plongeante ("Rue Halévy", ("Un refuge Bouklevard Haussmann", "Boulevard des Italiens").
Car elle met également l'accent sur la récurrence des thèmes impressionnistes tels le fil de l'eau et les villégiatures balnéaires avec le sublime "Sur les planches de Trouville, hôtel des Roches noires" de Monet qui n'était connu que par de médiocres reproductions en niveaux de gris.
Elle procède ainsi par appariement avec, par exemple, un triptyque sur les frondaisons d'arbres traitées par Alfred Sisley ("Lisière de forêt"), Camille Pissaro ("Les grands hêtres de Varengeville") et Claude Monet ("Les peupliers, automne").
A découvrir les tableaux de la période impressionniste de Paul Cézanne avec, en particulier, le tableau "Le jardin de Maubuisson" jumeau éponyme de celui peint de concert avec Pissaro qui est conservé au Musée d'Orsay.
Et parmi les autres pôles dédiés, une sélection de pastels de Edouard Degas et le genre du portrait est visité par le trio des femmes peintres Marie Cassatt ("Portrait de Anne-Marie Durand-Ruel"), Berthe Morisot ("Le piano") et Eva Gonzalez ("Le moineau").
A voir donc jusqu'au 6 juillet 2014 avant que ces toiles jalousement conservées, héritées ou amoureusement acquises, et quelle que soit leur qualification au regard des chefs d'oeuvre des collections muséales, ne regagnent le giron de leur bienheureux propriétaire.
|