Comédie dramatique de Eugène Ionesco, mise en scène de Odile Mallet et Geneviève Brunet, avec Geneviève Brunet, Odile Mallet, Patrick Chupin et Alain Le Maoût.
Farce tragique sur le vide ontologique, "Les chaises" de Eugène Ionesco constitue une partition à large spectre qui peut s'appréhender au premier degré comme une peinture du naufrage de la vieillesse avec ses ressassements, les délires mnésiques et la tendance à la syllogomanie.
Mais également comme la peur métaphysique engendrée par la conscience de la finitude humaine et de la mort qui incite, même le plus humble et le plus ordinaire des hommes, à vouloir laisser une trace de son passage terrestre qui, en l'espèce, prend la forme d'un message qui serait salvateur pour l'Humanité.
Un couple de vieux, très vieux, presque centenaires, naîfs éternels amoureux s'appelant "mon chou" et "Sémiramis ma crotte", vivant isolés sur no-man's land, une île-radeau entourée d'eau nauséabonde, se remémorent leur vie passée tout en préparant l'événement ultime qu'est la réception d'un aréopage constitué de personnalités internationales invitées à entendre ledit message du vieux qui sera dispensé par un orateur professionnel.
S'ensuit un dérisoire et incessant ballet de chaises, métaphore de l'irréalité du monde et du vide ontologique selon Ionesco, qui resteront irrémédiablement vides. Godot, quel qu'il puisse bien être ne viendra pas, et après le crescendo du ballet de chaises bien rendu grâce à l'astuce scénographique tenant à l'usage de lumières stroboscopiques, les borborygmes incompréhensibles de l'orateur clownesque (Alain Le Maoût) signifiant l'irrémédiable indigence du langage en termes de communicabilité se perdra dans le vide.
A la mise en scène, Odile Mallet et Geneviève Brunet, deux grandes dames du théâtre qui connaissent leurs classiques, ont opté pour un registre réaliste, presque naturaliste avec des costumes de vieux d'un autre siècle, qui repose sur le jeu sensible des comédiens.
Patrick Chupin incarne un vieux qui oscille entre la régression infantile, l'infatuation désespérée et le pathétique existentiel. Et les metteuses en scène qui usent judicieusement de leur géméllité pour composer le caractère composite de la vieille signent un beau travail. |