Comédie de Marivaux, mise en scène de Laurent Laffargue, avec Georges Bigot, Maxime Dambrin, Clara Ponsot Pierric Plathier, Manon Kneusé et Julien Barret.
"Le jeu de l’amour et du hasard" est l’une des pièces classiques les plus connues du répertoire ; c’est la pièce de Marivaux la plus jouée.
Dès les premières scènes de cette version proposée par Laurent Laffargue, on sait qu’on a affaire à un grand cru.
Devant les murs épais et lisse de la demeure bourgeoise, Silvia que son père Orgon veut marier au seigneur Dorante décide, pour l’observer à loisir, d’échanger son rôle avec sa suivante, Lisette. Ce qu’elle ne sait pas (mais qu’Orgon a appris par une lettre du père de Dorante) c’est que ce prétendu et son valet en ont fait de même.
Commence alors un jeu de séduction et d’apparences où les jeunes gens se rapprochent sans savoir s’ils doivent suivre leur cœur ou garder leur rang.
C’est une magnifique mise en scène de ce jeu de masques, qu’il a choisi de faire jouer par de jeunes comédiens fraichement sortis du CNSAD et du TNS, que Laurent Laffargue nous offre ici autour de l’ingénieux décor conçu par Eric Charbeau et Philippe Casaban sur un plateau tournant qui emporte les panneaux de la maison, créant de nouveaux espaces à chaque fois, comme sont emportés les personnages dans une valse qui s’emballe à la vitesse de leurs sentiments au galop.
Le jeu de tous les comédiens sans exception est fin et la direction d’acteurs, précise et intelligente. Même en connaissant la pièce par cœur, on est porté par le rythme effréné de ce suspens haletant où maîtres et valets croient n’être pas à leur place.
Et c’est ce que veut montrer le metteur en scène en faisant jouer l’action de la pièce dans une modernité pas trop accentuée (très appréciable) : aujourd’hui encore les mélanges de classes sont difficiles. La comédie cruelle de Marivaux n’a pas pris une ride et sa satire de nos contemporains se révèle plus mordante que jamais.
Georges Bigot qu’on avait pu apprécier il y a quelques années dans la mise en scène réussie de "La grande magie" de Laurent Laffargue (au TOP également) est une fois de plus génial en Orgon qui assiste avec délectation aux jeux des jeunes gens. A ses côtés, Maxime Dambrin est un Mario complexe et fascinant.
Les deux couples sont parfaits. Manon Kneuzé est une Lisette irrésistible et Julien Barret, un Arlequin phénoménal qui ajoute à un jeu tout en subtilité une énergie à la Jim Carrey. Enfin, Clara Ponsot est une brillante Silvia en lutte avec les affres de sa condition. Face à elle, Pierric Plathier est un formidable Dorante, ardent et bouleversant. Bravo !
Cette merveilleuse fantaisie tournoyante et palpitante n’en finira pas certainement d’éblouir le public. |