Comédie dramatique de Anton Tchekhov, mise en scène de Eric Lacascade, avec Jérôme Bidaux, Jean Boissery, Arnaud Chéron, Philippe Frécon, Alain d’Haeyer, Stéphane E. Jais, Ambre Kahan, Millaray Lobos Garcia, Jean-Baptiste Malartre, Maud Rayer et Laure Werckmann.
Avis aux puristes : le spectacle mis en scène par Eric Lacascade sous le titre "Oncle Vania" ne résulte pas de la partition originale écrite par Anton Tchekhov.
C'est le "Oncle Vania" de Eric Lacascade qui a pratiqué un boutiquage de son cru en hybridant deux opus à savoir "Oncle Vania" et ce qui fut sa première mouture intitulée "L'homme des bois" que Tchekhov avait rayé de son répertoire indiquant qu'il la détestait et que "ce serait un vrai coup pour moi si quelques forces la sortaient des oubliettes et lui redonnaient vie".
Par ailleurs, avis à tous, cette "adaptation" donne lieu à une représentation particulièrement longue, à savoir près de de trois heures sans entracte. A titre de comparaison, la pièce originale montée par Christian Benedetti en 2012, avec certes un texte délivré sans coupure à un rythme soutenu, tenait en une heure vingt-cinq chrono.
De fait, la durée de ce spectacle-fleuve ne tient pas tant à la réécriture, au demeurant sans valeur ajoutée puisqu'il s'agit non pas d'un collage mais d'une fusion avec substitution d'acte et modification du générique avec un ajout-suppression de personnages qui donc se compensent, mais à ce que Eric Lacascade pratique, avec sa troupe de comédiens qui, comme il l'indique, constituent "une famille", un théâtre d'acteurs qui fait la part belle au jeu de l'acteur et à la dramaturgie du corps ce qui a pour conséquence de dilater chaque scène.
Cela étant, que donne à voir Eric Lacascade ? Dans une première partie qui a la finalité d'une scène d'exposition et un décor qui évoque l'intérieur minimaliste d'un loft branché dans lequel l'emblématique balançoire est devenue longue table suspendue, se déroule, une soirée entre voisins placée sous le signe non d'un crépitant feu d'artifice mais celui de photographies d'éclipses projetées sur le mur du théâtre, annonciatrices de la nuit qui va s'abattre sur la morne vie des convives.
Une longue scène ennuyeuse, ennui des hôtes qui attendent leurs invités les Serebriakov, Vania, Sonia et les autres, qui tardent à venir, ennui général des participants qui n'ont pas grand chose à se dire après avoir vidé maintes bouteilles de champagne et vidé les coupelles de mini-légumes crus en aïoli et ennui du spectateur.
Puis le décor change à vue, et le loft se transforme en vaste salle grise carcérale à peine meublée, sans fenêtre, sans âme. C'est la demeure familiale de petits propriétaires terriens où vivent la grand-mère Maria, son fils Vania et Sonia, la fille de sa fille décédée.
La quiétude de la maisonnée est troublée par l'arrivée du père de celle-ci, le professeur pseudo-intellectuel qui a floué son petit monde bien crédule, et sa seconde et jeune épouse Elena. Car Sonia est éprise du séduisant docteur-écologiste Astrov qui est amoureux de la belle Elena, qui a aussi conquis Vania, qui restera avec son mari.
Au milieu de joviales scènes chorales dont il a le secret mises en scène de manière chorégraphique et quelques belles idées scénographiques telles la récurrence du portrait de famille et le défilé sur un extrait de "Façades" de Philipp Glass, Eric Lacascade met l'accent sur ce sentimental chassé-croisé d'amours avortés.
Façon Gene Kelly hâbleur, Jérôme Bidaux fait un beau numéro d'acteur dans le rôle du médecin bourreau des coeurs qui n'hésite pas entre la charnelle Elena, belle incarnation de Ambre Kahan, et la malingre et laide Sonia à qui Millaray Lobos Garcia, en surjeu permanent et à la scansion singulière, donne la curieuse allure d'une poupée mécanique. Quant à Alain d’Haeyer il se distingue dans le rôle titre en composant un excellent Vania au coeur lourd. |