Conformément au souhait du président de la RMN-Grand Palais,
Jean-Pierre Cluzel, d'ouvrir le champ des expositions à tous les modes d'expression artistique de l'art contemporain, le Grand Palais présente une exposition consacrée à l'art vidéo avec l'un de ses représentants "historiques" et majeurs en termes tant médiatique que de notoriété qu'est le vidéaste américain Bill Viola.
Organisée par la Réunion des musées nationaux - Grand Palais et le Studio Bill Viola, l'exposition a été élaborée sous le commissariat de Jérôme Neutres, conseiller de Jean-Paul Cluzel pour le développement culturel, artistique et scientifique du Grand Palais et Kira Perov, directrice du Studio Bill Viola et épouse de l'artiste.
Scénographiée par Bobby Jablonski, directrice technique dudit studio, et l'architecte française Gaëlle Seltzer, l'exposition, présente quatre décennies de création en vingt œuvres diffusées sur cinquante écrans disposés dans des salles plongées dans la pénombre.
Le transcendantalisme pictural de Bill Viola
Né en 1950, Bill Viola, qui fut l'assistant de Nam June Paik, fondateur de l'art vidéo dès le début des années 1960, appartient à la génération d'artistes d'obédience New Age, héritier théosophique du transcendantalisme, dont l'oeuvre correspond à une recherche spirituelle et mystique sur l'état de conscience l'approche de l'infini et la représentation de l'invisible sous influence des philosophies orientales.
L'exposition est structurée de manière chrono-thématique en trois parties conceptuelles - "Je suis né en même temps que la vidéo", "Le paysage est le lien entre notre moi extérieur et notre moi ", "Si les portes de la perception étaient ouvertes, alors tout apparaitrait tel quel - infini".
Elle retrace l'évolution d'une oeuvre qui a été consacrée au plan international avec "The Veiling" présentée en 1995 à la Biennale de Venise.
Après avoir été son propre interprète en filmant ses expériences performatives en solitaire ("The Reflecting Pool", "Nine Attenpts to achieve Immortality") captant des explorations personnelles d'une quête ou d'un état de transcendance, Bill Viola met en scène des tiers, acteur, performeur, ou cascadeur, dans des partitions filmées qui constituent des "tableaux animés".
En effet, d'une part, il puise tant dans le format que le répertoire thématique de la peinture de dévotion dans lequel il trouve le substrat adéquat pour y développer des préoccupations métaphysiques qui seraient affranchies de toute croyance religieuse au sens traditionnel du terme.
Par ailleurs, il s'inspire, de manière patente et assumée, des oeuvres des grands maîtres de la peinture du 15ème au 17ème siècle, ceux du Quattrocento italien, du Siècle d'or espagnol et de l'age d'or de la peinture flamande baroque.
Ainsi, par exemple, le monumental polyptyque "Going Forth By Day" composée de cinq séquences projetées en boucle est inspirée des fresques de Giiotto évoquant les scènes de la vie de Saint François d'Assise.
Placées sous le signe de l'hybridation, avec l’imbrication des lieux réels et des lieux espaces virtuels et le mélange des temporalités, ces vidéos muettes comportent des réminiscences mnésiques personnelles.
Notamment l'épisode de la noyade de l'enfance perçue comme une expérience fondatrice d'un au-delà de beauté et de paix traitée dans le retable "Ascension" comme une ascension christique.
Ce qui explique la présence récurrente de l'élément aquatique comme symbole métamorphique, l'eau qui accompagne l'homme du liquide amniotique au fleuve des morts en passant par l'eau lustrale, propice à la représentation visuelle du "corps flottant" échappant à la gravité terrestre.
Elles intègrent des déclinaisons de l'état de la conscience déconnecté du réel et projeté dans l'espace-temps du passage (entre la vie et la mort) et des multiples potentialités de perception de l’espace et du domaine du rêve ("Dreamers") dans une histoire qui est celle du corps immergé dans un espace mental sous influence de l'imaginaire.
Pour l'image, au plan technique, Bill Viola recourt à l'image--temps, qui renverse le rapport entre le temps et l'image, en opposition à l'image-mouvement et à l'esthétique du ralentissement.
Ce qui lui permet notamment de traiter d'une autre de ses thématiques de prédilection qu'est le cycle de vie tel dans "Catherine's Room" dans lequel ce dernier est ramené sous forme de scènes de genre à la durée d'une journée.
Pour la grande communauté des visiteurs néophytes voire amateurs éclairés, l'exposition, qui se veut immersive à fins d'exploration sensorielle, se déclinera davantage comme une déambulation sélective.
En effet, peu d'entre eux, sans doute, effectueront le visionnage intégral de chaque vidéo, l'ensemble représentant plus de cinq heures de visionnage,de sucroît dans dans un espace dépourvu de sièges.
Il est par ailleurs recommandé au visiteur de préparer sa venue par une révision de son petit "Viola illustré" dans la mesure où, toujours par la volonté de l'artiste, cette exposition se voulant "immersion dans le sensible sans irruption du champ intellectuel", il n'est prévu aucun cartel explicatif. |