Comédie dramatique de Philippe Minyana, mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo, avec Marc Bertin, Raoul Fernandez, Catherine Hiegel, Helena Noguerra et Laurent Poitrenaux.
Dans "Une femme", novation déclinatoire d'un de ces précédents opus, "Dans la maison des morts", Philippe Minyana reboutique les éléments de sa mythologie personnelle dans un registre qui ressortit au théâtre de l'intérieur et de l'intime.
Dans une chambre, lieu de prédilection pour l'auteur qui le considère comme l'endroit essentiel de la révélation de l'humain, confrontée à la proximité de la mort, au bord du néant, parfois réconfortée par une ambiguë "passeuse", une femme feuillette mentalement son album de famille d'où surgissent des figures tragiques et grotesques à l'humanité engloutie.
Cette femme érigée en figure du chagrin va saisir les derniers instants de ses proches avant de disparaître elle-même dans un périple scandé en chapitres titrés par les sécrétions humorales liées à la maladie et au délitement du corps, du corps des autres, son père, son mari, son amie, ses enfants, qui sont autant de stations d'un chemin de croix profane personnel qui mènent vers la délivrance et/ou la métamorphose.
Avec une approche schopenhaurienne de la vie et de la mort, "On naît en criant, on gazouille un peu, on tombe puis on meurt", et un étonnant syncrétisme entre le sacré et le paganisme symbolisé par l'immanence de la nature et, en l'espèce, de la forêt, Philippe Minyana travaille sur l'image récurrente de la personne au chevet d'un malade, thématique classique de la peinture de déploration. Ainsi l'accompagnement du père dans le naufrage de sa fin de vie constitue-t-il le symétrique de la piéta chrétienne.
A la scénographie et aux lumières placés sous le signe de l'esthétisme froid, Yves Bernard a conçu un espace sylvestre factice, une boîte noire progressivement envahie par des arbres artificiels, qui parvient à ancrer un univers qui puise dans le réalisme magique et la fable à laquelle, au demeurant, il emprunte le principe du dénouement merveilleux.
Départi de la fantaisie kitsch qui caractérise habituellement sa signature, le metteur en scène d'origine argentine Marcial Di Fonzo Bo a opté pour une direction d'acteur classique et efficace pour un spectacle d'excellente facture.
Sur scène, un quintet de comédiens dont Catherine Hiegel, magistrale dans le rôle-titre qui lui a été écrit sur mesure par Philippe Minyana. Un jeu à la ligne claire et précise, sans effet, sans pathos ni faille, d'une intensité dramatique presque clinique pour signifier le détachement douloureux du personnage.
A ses côtés, l'actrice-chanteuse Hélène Noguerra, en étonnante amie archétype de l'actrice italienne des années " Dolce Vita", Marc Bertin dans le rôle du mari aimé, Laurent Poitrenaux qui livre une époustouflante composition en père pathétique et atrabilaire même dans l'agonie, tout comme Raoul Fernandez travesti aux airs d'une Jeanne Moreau avec une pointe d'accent sud-américain. |