Comédie dramatique adaptée et mise en scène par Marc Saez d’après le scénario d'un film de Sidney Lumet, avec Véronique Picciotto, Helmi Dridi, Anatole Thibault et Pascale Denizane.
Double challenge et prise de risques pour Marc Saez qui, avec "A nu", a entrepris de transposer sur la scène un scénario et en l'espèce celui d'un film réalisé en 2004 par Sidney Lumet, et controversé lors de sa sortie, écrit par Tom Fontana, film qu'il connaît bien pour avoir participé au doublage pour la version française.
En effet, intitulé "Strip Search" par référence à la pratique de la fouille au corps, procédure, utilisée notamment dans les établissements pénitentiaires, considérée comme une pratique humiliante et intrusive, ce scénario aborde une thématique réflexive qui n'est pas nouvelle, celle des restrictions aux libertés individuelles imposées par des impératifs de sûreté nationale et/ou de sécurité intérieure, mais qui connait une résonance accrue au 21ème siècle traumatisé par les attentats du 11 septembre 2001.
Usant du sophisme, Tom Fontana établit, à partir de deux situations en miroir, un parallèle entre les pratiques policières de deux Etats, l'Etat démocratique le plus puissant du monde, les Etats-Unis, atteint d'une phobie du terrorisme international, et l'Etat dictatorial chinois, régime de terreur par crainte de la dissidence, pour démontrer, à partir de leur similarité nonobstant quelques modalités formelles, que l'Etat américain est un Etat totalitaire.
En l'occurrence, dans un lieu de non-droit se déroulent, suite à une arrestation "musclée" et manifestement arbitraire, l'interrogatoire violent de deux personnes archétypes de l'individu ordinaire et de l'innocent potentiel injustement soupçonnés d'intelligence avec "l'ennemi".
Dans une geôle crasseuse, un militaire chinois placide et implacable harcèle insidieusement une jeune femme étudiante en Chine tandis que dans un bureau hight-tech, une femme nerveuse en tenue de ville malmène un homme émigré.
Marc Saez adapte fidèlement la partition en forme de huis clos qui s'empare d'un matériau "agressif", sinon pour délivrer au spectateur un message politique, du moins pour le bousculer, dans la veine du théâtre "in-your-face".
Dispensée sous forme d'une alternance de scènes quasiment dupliquées, quasiment car interviennent des variations qui n'échapperont pas au spectateur attentif et qui, bien que paraissant mineures, sont significatives en ce qu'elles induisent un dénouement différent, elle bénéficie d'une mise en scène "coup de poing" qui tient à l'implication dramatique et à l'incarnation du quatuor de comédiens.
A la mise en scène, Marc Saez négocie bien la difficulté qui tient à la proximité physique liée au médium théâtral en assurant le nécessaire réalisme et évitant l'écueil de la complaisance voyeuriste grâce notamment à la création lumières de Christian Mazubert qui, en outre, permet d'atténuer l'incontournable artificialité liée à la division du plateau en deux espaces scéniques.
Challenge réussi également pour Anatole Thibault et Pascale Denizane, qui campent les "bourreaux" endoctrinés au patriotisme sans verser dans la caricature, et pour Véronique Picciotto et Helmi Dridi qui, de surcroît, assument pleinement l'intime implication physique qu'exige le rôle des suspects. |