Ce n’est pas une comédie romantique (mais ça y ressemble).
Le Saut du requin est le deuxième roman de Romain Monnery. Un jeune auteur à la plume facile et au verbe rapide. Les grincheux trouveront à ce second roman la saveur du premier : Libre, seul et assoupi, la description d’une jeunesse désabusée, qui cumule les stages comme on accumule des points de fidélité, dans le fol espoir d’accéder au CDI qui remplira le frigo et les loisirs.
Romain Monnery se vante d’avoir un diplôme au nom imprononçable. Il ne s’est pas entraîné à le prononcer ? Pareil pour le roman, il m’a tellement agacé au début…
Méline est une fille sympa, trop gentille donc trop conne, célibataire parce que pas assez branchée, pas assez sûre d’elle, un brin mal dans sa peau, mais trop mimi. Elle ne comprend toujours pas pourquoi Ziggy est entré dans sa vie, mais le fait est qu’il est là maintenant. Un beau gosse, tout à fait charmant, un brin prétentieux, artiste prétendu multiface, éternel ado décomplexé et décomplexant.
Oui mais c’est un connard, n’ayons pas peur des mots. Un pervers narcissique à peu de chose près. Centré sur son petit nombril, se faisant plaindre des échecs qu’il n’a pas eu et des succès qu’il ne tente pas en cas d’échec. Le commun des mortels stopperait net cette relation. Oui, mais justement, Méline a déjà la trentaine, pour elle et surtout pour les générations précédentes, la vie ne commence qu’une fois casée, à moins d’être une active féministe engagée… ou lesbienne.
Méline ne veut pas arrêter de vivre là, tout de suite, alors que ça vient à peine de commencer. Elle reste. Quelle adorable conne. Elle culpabilise à l’idée de laisser Ziggy dans la nature. Ce con. Absurde. Le Saut du requin c’est ça, chute des audiences parce que ça devient terriblement ennuyeux. Et con. Alors on fait un truc stupide (comme couper la tête de Ned Stark) pour relancer l’audience.
Pour Méline, point d’hémoglobine, sa collègue l’oriente du côté de Fabrice, pas vraiment un beau gosse, mais avec un cœur à l’intérieur. Méline se lance. Enfin. Ziggy la poursuit. Comme un con. Juste parce qu’elle lui échappe. Alors qu’il ne l’aime pas. Il ne l’a jamais aimée d’ailleurs. Mais Ziggy est capricieux. Et con. Personne ne le largue. C’est lui qui largue. D’abord.
S’ensuit une sorte de harcèlement qui réjouit Méline (deux hommes rien que pour elle, ça alors !). Elle fera son choix. Le moins con. Espérons-le.
Le roman serait un peu une description franche des relations amoureuses de notre siècle. Loin de la cour romantique de nos aïeux, le Net a tout balayé sur son passage, la société de consommation a rendu la relation productive, être accompagné rend crédible, faire le grand écart et pousser des cris est un gage de bonheur… La relation amoureuse est complètement déformée par les préjugés et les apparences. Et ce sont les tristes trentenaires célibataires qui en font les frais (les autres aussi d’ailleurs).
Mieux vaut être mal accompagné que seul. C’est ce que Romain Monnery raconte dans ce roman, a priori agaçant parce qu’on ne ferait pas comme ça, alors que si, à la place de Méline, nous aurions eu exactement le même comportement. Ceux qui pensent le contraire sont crédibles (pardon, je voulais dire casés) depuis trop longtemps pour comprendre.
Criant de vérité, ce roman va au-delà d’une simple relation amoureuse "compliquée", il reflète ce que la société fait subir à ses jeunes et ses moins jeunes : la perte de leur identité pour être accepté. |