Spectacle conçu et interprété par Odile Michel, Patrick Olivier et Cyril Giroux.
Rien d'étonnant à ce que Rabelais, moine médecin et écrivain fleuron de la littérature française du 15ème siècle, auteur de la quête de la Dive bouteille dont le secret tient dans le mot "trinch" soit également celui d'un "Traité de Bon Usage du Vin" célébrant les vertus du jus de raisin.
Cet ouvrage inédit, qui aurait été publié à titre posthume et dont l'original demeure introuvable, revient en France par l'intermédiaire de la traduction, par Marianne Canavaggio, d'une version tchèque du 19ème siècle lui-même émanant d'une version allemande du 17ème siècle.
Bien évidemment, après de telles tribulations éditoriales, la truculente langue rabelaisienne a perdu de sa truculence mais elle a gagné en audibilité pour les oreilles du 21ème siècle. Au demeurant, qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse.
S'érigeant en doctes membres d'une confrérie bachique, la Ligue des museaux enluminés, les comédiens Odile Michel et Patrick Olivier et le comédien-pianiste-compositeur Cyril Giroux en dispensent les bons préceptes oenologiques sous forme d'une singulière célébration bacchusienne.
En effet, celle-ci emprunte grandement au cérémonial liturgique, ce qui ne manque pas de piquant compte tenu de l'anticléricalisme de Rabelais, tout en renvoyant judicieusement à la symbolique plurielle du vin, et s'appuie sur un panégyrique du vin paré de mille vertus thérapeutiques pour étancher la soif, une soif qui ne vise pas que le besoin organique mais également la soif de connaissance.
La grande porte en bois et vitraux de la salle du Théâtre Le Ranelagh, un orgue, des candélabres et des lutrins servent de décor à la célébration dispensée par Cyril Giroux, le Grand Ordonnateur servant et chef de choeur, Patrick Olivier, le Grand Maître dont la voix de stentor se prête au sermon prédicatoire et Odile Michel, la Grande Prêtresse efficace dans l'homélie habitée.
Et comme elle se veut interactive et joyeuse, nonobstant le sérieux pince-sans-rire des officiants, et le public est invité à déguster un verre du divin breuvage et à entonner, se substituant aux traditionnels chants sacrés, des chansons à boire, des "Chevaliers de la table ronde" à "Boire un petit coup" en passant par "A la tienne Etienne" bénéficiant de surprenants arrangements.
Le spectacle navigue aux confins du théâtre, du musical et de l'humour de bon aloi. La cuvée est toute jeune mais le bon vin se bonifie avec les années et cette ode épicurienne à double détente, dont la première fera frémir les ligues de tempérance et le ministère en charge de la santé publique, est donc à consommer sans modération. |