Spectacle de Bernard Larre et Frédéric Mancier, mise en scène de Xavier Berlioz, avec Nadine de Géa et Patrick Blandin.
Avec "Royale légende", Bernard Larre et Frédéric Mancier procèdent à une originale et réussie déclinaison du théâtre dit "de conversation" qui repose sur une rencontre fictive entre deux personnages historiques articulé autour du duel d'idées ou de l'affrontement des tempéraments.
En effet, usant du prisme de la correspondance épistolaire et substituant à la confrontation la communauté d'âme et de destins, "de la grâce à la disgrâce," ils ont élaboré une fausse correspondance amicale entre Marie-Antoinette, reine de France, et Charles de Beaumont, diplomate et espion du roi Louis XV, plus connu sous le nom de Chevalier d'Eon.
L'écriture est intelligente et subtile use d'un beau français dépourvu de pédanterie pour dresser de manière croisée et à travers plusieurs thématiques, évitant ainsi le travers de la vulgarisation réductrice et ne versant ni dans l'hagiographie ni dans la diabolisation tout en se défiant de la légende, le portrait des deux protagonistes et leur relation sur deux décennies.
Même si le cadre historique, incontournable, est évoqué, les auteurs ne s'érigent pas en historiens mais en dramaturges qui écrivent une fantaisie théâtrale ordonnée autour de l'intime brimé par les contingences et sujétions de la naissance qui placent dans un insoluble état schizophrénique.
Marie-Antoinette, assujettie à la fonction royale et aux intrigues de la cour, ne sera jamais une femme comme les autres, et Eon pris dans une ambivalente identité sexuelle ne sera jamais l'ange qu'il souhaiterait être.
L'une prisonnière de sa couronne, l'autre prisonnier de son sexe, tous deux peinent dans le carcan de la naissance, à l'instar du corps féminin corseté avec corps piqué et panier, qui donne lieu à la belle et tragique scène ultime.
Scandée par les événements historiques qui impactent ces destinées hors du commun, la partition est habilement construite et la mise en scène de Xavier Berlioz s'avère efficace car elle sait déjouer les pièges de la staticité et de l'alternance quasi monologique habituellement inhérentes à la forme épistolaire en imprimant un rythme dialogué avec des astuces scéniques, nonobstant l'absence de décor, qui privilégient le jeu à deux.
Cette efficacité tient également à la direction d'acteur car il sait faire la part belle à l'interprétation et ce avec raison car les deux comédiens sont épatants.
Jeu juste, mesuré, tout en nuances, presque en retenue pour ne pas céder à la connotation anecdotique et à la facilité de l'effet, Nadine de Géa, à la sensibilité à fleur de peau, et Patrick Blandin, avec le brin de préciosité adéquat, constituent un duo virtuose pour petite musique de chambre. |