Comédie dramatique conçu et mis en scène par Zagal d'après le roman éponyme de Régis Jauffret, avec Julián Marras et Bernardita Montero.
La troupe chilienne TeatroCinema n'est pas une inconnue elle est déjà venu en France présenter les spectacles "Sin Sangre", un polar sur le Chili d'après Pinochet, et l'histoire d'amour fantastique "El hombre que daba de beber a las mariposas".
L'originalité de son travail consiste en une écriture théâtrale qui mêle au jeu sur les planches, les comics et le cinéma.
Pour ce faire les acteurs jouent sur une bande de la scène, coincés entre un écran transparent devant eux et un autre écran en fond de plateau. Les projections sur ces deux écrans placent les acteurs dans des décors mouvants, voire font apparaître de nouveaux protagonistes virtuels dans l'histoire.
Pour "Histoire d'amour (Historia de Amor)", le chemin exploré par la troupe est celui de la bande dessinée en noir et blanc. Esthétiquement le trait se rapproche de celui de Tony Moore dans "The Walking Dead", des découpages de Didier Comès ou des plans du film d'animation de Christian Volcker, "Renaissance".
C'est justement lors d'un séjour en France que Zagal, le metteur en scène du spectacle, a décidé d'adapter le texte de Régis Jauffret, "Histoire d'amour". Ce texte dérangeant, qui met le spectateurs dans la tête d'un violeur, est servi de manière splendide par les noirs et blancs oppressants.
La force du jeu des acteurs, Julián Marras et Bernardita Montero, consiste à se glisser dans des vignettes de bande dessinée dont les angles de "prise de vue" peuvent surprendre le spectateur. Ainsi, un personnage dans un lit sera "filmé" à l'horizontal, l'acteur sera debout sur scène dans la posture d'une personne allongée, l'image d'un lit projetée derrière lui, afin de donner l'impression qu'il y est étendu.
Au vu des choix esthétiques adoptées et pour poursuivre cette logique de bande dessinée, les visages des acteurs se doivent d'être figés dans des expressions très marquées. Le jeu des artistes, en ce sens, se rapproche plus de celui des acteurs de Murnau allié à une chorégraphie millimétrée.
Profondément gênant dans son propos qui met le spectateur en situation de voyeur, voire de complice du violeur, petit à petit on oublie les choix de mise en scène pourtant très forts, et l'on se surprend alors à se laisser simplement bousculer par cette histoire en forme de cauchemar, dans les pas d'un prédateur sexuel qui revient toujours vers la même victime.
A la contrée des genres, dérangeante et esthétiquement splendide, "Histoire d'amour" est une des pièces fortes de cette saison. |