Que d'attente, que d'attente !
Le retour de Bertrand Cantat sur scène se sera longtemps fait attendre, surtout depuis la sortie cet hiver du premier album de Détroit. Cerise sur le gâteau, le combo a invité les géniaux Fat Supper à ouvrir le bal sur une bonne partie de la tournée. L'impatience s'impatiente elle-même, tant l'affiche est belle. D'ailleurs, l'Aéronef affiche complet depuis plusieurs mois, à l'instar du reste de la tournée.
Il s'agit probablement de la tournée rock la plus motivante que la France ait connu depuis longtemps, loin du teenage rock parisien dont seuls les BB Brunes semblent avoir survécu. Des faux punks de Skip The Use qui n'ont quand même pas grand chose à raconter, à part que la cigarette et l'alcool c'est mal (en oubliant que si Iggy Pop et Johnny Rotten étaient des garçons modèles, on se serait bien fait chier dans les années soixante-dix). Loin des gênants Shaka Ponk, qui sont pourtant le backing band studio de Détroit. Et surtout loin des consternants Fauve, qui brassent un vent aussi rigolo qu'un pet.
Enfin, une tournée rock, digne de ce nom, avait de nouveau lieu et qui plus est sans promo !
Il est 20h, et les charismatiques Rennais de Fat Supper s'élèvent sur scène. Fat Supper est très clairement le groupe de rock pur le plus intéressant du moment. La prestation fut donc plus que convaincante et retient l'attention d'un public difficile, ayant hâte de retrouver Bertrand Cantat.
La set list est composée de morceaux issus de leurs deux premiers efforts dont récemment l'EP Flat Slupper, qui envoit sévèrement du pâté dans le boulgour ! On retrouve avec joie les implacables "Twisted", "Surrogate", "Step back" ou encore "Every Nobody" (qui sera d'ailleurs brutalement interrompu par l'organisation en fin de set), ainsi que des morceaux inédits qui n'augurent que du bon pour l'avenir du combo. A (re)découvrir sans modération.
Détroit arrive sur scène et instaure une ambiance de feu avec des morceaux pourtant peu joyeux ("Ma muse", "Horizon"), réarrangés de fort belle manière pour le live. De plus, la voix de Bertrand Cantat est incroyable, intacte !
Si cette tournée du duo Cantat / Humbert est si attendue, c'est parce que leur premier effort est plus que convaincant. Le concert commence donc de fort belle manière.
Puis le groupe enchaîne avec "Des visages et des figures" de Noir Désir et les choses se gâtent assez rapidement... Mais ne nous méprenons pas, cela ne veut pas dire que musicalement l'affaire ne tient pas la route. Au contraire, le groupe composé de cinq musiciens (Bruno Green, Guillaume Perron et Nicolas Boyer) est très bien.
Mais, passons à la première personne, je suis venu voir un concert de Détroit, pas de Noir Désir, et furent jouer ce soir plus de morceaux de ces derniers.
Je n'ai pourtant rien contre Noir Désir, bien au contraire, et je n'ai pas toujours boudé mon plaisir. "Tostaky", qui déclenchera une hystérie collective proche de l'émeute, malgré son final disco franchement dispensable, en est le meilleur exemple. En revanche, "Le vent nous portera" et sa belle odeur de merguez m'a vraiment fait regretter l'édition 2003 de la fête de l'humanité. D'autres classiques font leur apparition : "Lazy", "A ton étoile", "Comme elle vient", "Fin de siècle", et écrasent à mon sens des morceaux récents comme la judicieuse tentative trip-hop de "Sa majesté". Quitte à être incohérent, j'ai du coup regretté "Un jour en France", nécessaire en cette période.
Dans le numéro 560 (avril 2014) de Rock & Folk, Bertrand Cantat en répétition dit ceci : "Si on reprend du Noir Dés', il y en aura qui diront : "Comment peuvent-ils le reprendre ?" Si on ne le fait pas, on va nous dire : "Mais pourquoi ?". Il n'y a pas de fin à tout ça."
On ne peut qu'acquiescer, mais le dosage est maladroit, et délaisse des morceaux du disque comme le très bon "Terre Brûlante", et surtout j'aurais tellement aimé voir Cantat reprendre "Avec le temps". Seul. Acapella. Mais bon, peut-être n'est-il pas encore temps. La tournée évolue et évoluera encore, et n'en est finalement qu'au stade des retrouvailles.
Il serait intéressant de voir la deuxième partie dans les zéniths prévus en automne, après l'étape festival, où le groupe ne sera pas en terrain conquis puisque qu'appartenant à des programmations éclectiques. Car à l'Aéronef, ce fut un retour triomphal. Oui, les visages et les figures étaient ravis. Finalement, n'est-ce pas ici le but de cette affaire rock'n'roll ?
Quant à Bertrand, il semble plus épanoui que jamais par ses nouveaux horizons, de nouveau en route vers la joie. On ne saurait être plus content pour lui. Et puis Fat Supper, c'était tellement bien !
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