Drame d'après Friedrich von Schiller, mise en scène de Lev Dodine, avec Igor Ivanov, Danila Kozlovski, Ksenia Rappoport, Igor Tchernevich, Alexander Zavialov, Tatiana Chestakova, Elizaveta Boyarskaya (en alternance Ekaterina Tarazova), Artur Kozin, Leonid Luzenko, Danila Muhin, Stanislav Nikolki, Stanislav Tkachenko et Vladimir Shilling.
Avec son adaptation de "Cabale et Amour", la pièce fondatrice du théâtre allemand écrite par Friedrich Schiller, et l'interprétation magistrale des comédiens du Maly Drama Theatre de Saint-Pétersbourg dont il assure la direction, le metteur en scène russe Lev Dodine frappe fort une fois encore.
En premier lieu, car il effectue des coupes sombres dans l'opus originel, long mélodrame constituant une variation pré-romantique du destin des amants tragiques à la Roméo et Juliette dans lequel la lutte des classes se substitue à la haine intestine entre familles rivales.
Ainsi il s'affranchit de nombre d'actes et de personnages, et notamment du dénouement manichéen relatif au châtiment et à l'expiation des "méchants" pour "muscler" la partition et se concentrer sur le mécanisme implacable qui va broyer les amants.
Celui-ci une fois actionné, comme mû par une force autonome, nourri de la fureur passionnelle des protagonistes, et nonobstant le revirement de ses instigateurs, rien ne peut l'arrêter avant son accomplissement final.
Ensuite, que dire de la mise en scène au cordeau, millimétrée comme un pas militaire et cependant fluide comme un pas de danse, et de l'imparable direction d'acteur qui ne verse pas dans l'excès de la louange laudatrice.
Dans un espace scénique unique transformé par l'installation à vue de tables et chaises qui préfigurent une salle de banquet, scénographie épurée de Alexander Borovsky et lumières en clair-obscur de Damir Ismagilov, les scènes s'enchainent de manière fluide sur le mode du fondu enchainé cinétique dans une esthétique éblouissante.
Tout commence par l'étreinte passionnée pleine de la promesse du bonheur mais à la sensualité du corps amoureux s'oppose la raideur des mentalités paternelles corrompues (Igor Ivanov et Alexander Zavialov), l'une par le goût du pouvoir, l'autre par l'appât du gain, vieux roués qui n'hésitent pas à abuser du pouvoir patriarcal, à user du chantage affectif et du code de l'honneur dont ils savent se dispenser.
L'amant transi apporte sa contribution à l'entreprise (Igor Chernevich), la mère éplorée est soumise (Tatiana Shestakova) et la maîtresse du prince (Ksenia Rappoport) cause de tous ce malheur continue de danser.
Le noble Ferdinand von Walter et Louise Miller la fille du maître de musique (Danila Kozlovsky et Elizaveta Boyarskaya superbe couple de scène) n'y survivront pas laissant le spectateur entre suffocation et sidération. |