Hérésie, mysticisme, sacrilège, péché et damnation sont les qualificatifs les plus employés pour décrire les œuvres du peintre Jérôme Bosch. C’est le peintre que Claude Merle a choisi pour son dernier roman L’Ange sanglant – Dans l’enfer de Jérôme Bosch. Claude Merle, qui a écrit plein plein plein de livres sous divers pseudonymes. C’est un balèze de la plume. Un de ceux qui savent emporter leur lecteur de la première à la dernière ligne de leurs écrits.
Sans fioritures, sans parenthèse, sans pause, haletant et machiavélique, L’Ange sanglant vous transporte dans la Hollande du 16ème siècle, un siècle avant La jeune fille à la perle. Ne vous cassez pas la tête à chercher le criminel de l’histoire, il nous est pondu à mi-parcours à l’image des célèbres intrigues policières des séries américaines. Ce n’est pas de l’Agatha Christie, vous êtes spectateur du roman, mais quel spectacle !
Attardons-nous un instant sur la première de couverture : détail de l'Enfer, volet de droite du triptyque du Jardin des délices par Jérôme Bosch. Punition infligée aux sodomites, infâme trépanation anale, puis gobage par un ersatz de dieu à tête de faucon. Beurk ? Ah oui, c’est beurk. Mais le ton est donné.
Dans l’apparente tranquille ville d’Hertogenbosch (ne retenez pas ce nom, je ne vous conseille pas d’y mettre les pieds si votre vie n’est pas absolument pieuse et exempte de tout péché capital), dans cette charmante petite bourgade de Hollande sévit donc un tueur en série à l’imagination fertile et dérangée. Des habitants aux mœurs pécheresses (grossesse célibataire, séduction abusive, pochtron à la semaine…) sont retrouvés morts (évidemment), mais dans des postures semblant tout droit sorties des tableaux de Jérôme Bosch, peintre local installé avec sa clique d’apprentis dans un atelier non loin de la ville dont-je-vous-ai-demandé-d’oublier-le-nom.
Jacob Dagmar, chirurgien et alchimiste (c’est-à-dire qu’il passe ses dimanches après-midi à disséquer des corps qu’il a rachetés au marché noir du fossoyeur du coin) est l’expert médical de l’enquête menée par le bailli Pieter Van Ringen. Il est vrai que l’association d’un préfet et d’un chirurgien pour résoudre une série de meurtres est assez étrange dans un siècle où il fallait s’en remettre à Dieu pour punir les méchants. Mais le roman ne passionne que davantage avec ce duo.
L’Ange sanglant serait un genre de buddy-roman flamand, j’aimerai revoir le duo du sceptique méfiant et du scientifique amoureux d’une mystérieuse servante muette (ayant pour caractéristique une ressemblance troublante avec la première victime du tueur) dans une autre investigation.
Claude Merle mêle modernité et anciennes croyances dans ce roman haletant faisant s’affronter les idées séculaires de l’Enfer contre le Paradis et du satyrisme contre la morale. Un sacré bon moment Dans l’enfer de Jérôme Bosch. Vous en ressortirez étourdi, à vous demander à quel moment de la journée nous sommes, si vous avez mangé, mais n’avez-vous pas oublié quelque chose ?
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