Drame de Alfred de Musset, mise en scène de Daniel Mesguich, avec avec Sarah Brannens, Théodora Breux, Bertrand De Roffignac, Matthieu Delaunay, Pierre Jouan, Yannick Morzelle, Lisa Perrio, Ambre Pietri, Simon Rembado, Geoffrey Rouge-Carrassat, Grace Seri, Marie Zabukovec, Yuriy Zavalnyouk et Gvanca Lobjanidze.
Dans le cadre du millésime 2014 des Journées de juin du CNSAD, trentième édition pour ce qui le concerne qui marque, de surcroît, la fin de son deuxième mandat de directeur de cette séculaire institution, Daniel Mesguich a consacré son atelier d'interprétation avec les élèves de première année à une pépite de théâtre "de salon".
Et il aborde le "Lorenzaccio" de Alfred de Musset en ne se focalisant pas sur l'intrigue historique (les complots sous l'ancienne République florentine mise sous la coupe réglée du Saint Empire germanique représenté par le duc de Toscane Alexandre de Médicis) et sa possible résonance contemporaine, mais, de manière singulière, sous un angle judicieux et original, celui de la scène de révélation, et ce, dans une double déclinaison.
D'une part, opérant des coupes drastiques, il retient essentiellement les scènes monologales ou dialogales, révélatrices des principaux caractères et des passions. D'autre part, ces scènes sont érigées en scènes dites "de révélation" au regard des potentialités des jeunes comédiens.
Ce qui permet, en l'espèce, Daniel Mesguich ayant du métier et du flair, de découvrir quatre élèves prometteurs qui se distinguent par un physique non formaté, leur qualité de jeu, et, nonobstant la subjectivité terminologique, la présence et le charisme scénique.
Ainsi, Lisa Perrio affiche une belle maturité dans le rôle de la marquise Cibio, maîtresse du duc prise en étau entre sa passion amoureuse, sa ferveur républicaine et son beau-frère, le machiavélique cardinal Malaspina Cibo, avec qui elle forme un duo en miroir opposant l'idéalisme et le cynisme.
Cette éminence "pourpre" versée dans la casuistique et avide de pouvoir se complaisant dans l'intrigue, la manipulation et la domination pour satisfaire ses ambitions personnelles, assurée d'une totale impunité par sa qualité de représentant de la papauté et du roi Charles Quint est parfaitement campée par Bertrand de Roffignac.
Non seulement par son superbe timbre de voix de basse, l'interprétation de Yuriy Zavalnyouk dans le rôle du tyran et débauché Alexandre de Médicis, personnage terrien et séminal sous l'empire de pulsions instinctives, est impressionnante.
Quant à Lorenzaccio, son compagnon avec lequel il partage une intimité équivoque et son factotum qu'il qualifie de "fieffé poltron, une femmelette, l’ombre d’un ruffian énervé, un rêveur qui marche nuit et jour sans épée de peur d’en apercevoir l’ombre à son côté", il est magistralement incarné par Geoffrey Rouge-Carrassat.
Son jeu nerveux et enfiévré sied au janusien et autodestructeur personnage-titre, mélancolique rongé par le vide existentiel. Son physique androgyne et sa longue chevelure bouclée correspondent à l'image du héros romantique transposé dans la Renaissance italienne dont l'atmosphère est induite par la scénographie flamboyante et crépusculaire de Daniel Mesguich avec ses fondamentaux incontournables tels par exemple le parvis vide sous un ciel de nuit étoilé.
Ponctuées par le même air opératique, et après un bref noir permettant le changement de décor, les scènes s'enchaînent avec fluidité selon un rythme soutenu qui paraît même s'accélérer pour signifier l'emballement du destin pour précipiter le dénouement tragique.
La partition est conçue comme une succession de tableaux non seulement au sens dramaturgique, chacun formant un mini-drame, mais également au sens pictural en raison de son esthétique évoquant ainsi des tableaux animés.
La direction d'acteur de Daniel Mesguich est rigoureuse et tous les élèves jouent de concert. L'exercice est brillant et brillamment réussi. |