Before The Dawn Heals Us marque une nouvelle étape dans la courte mais déjà passionnante carrière de M 83 : Anthony Gonzales est désormais seul maître à bord, puisque son ami de longue date Nicolas Fromageau a décidé de se consacrer à son propre projet.
Le précédent opus Dead Cities, Red Seas & Lost Ghosts s'était distingué par ses ambiances éthérées et bucoliques qui n'étaient pas sans rappeler Tangerine Dream.
Before The Dawn Heals Us fait encore une belle place aux atmosphères cotonneuses et aux nappes étirées. "In The Cold I'm Standing" évoque les ambiances glacières de Sigur Ros. "Farewell / Goodbye" convoque l'électro des britanniques d'ISAN, avec synthés vintages, rappelant les jingles publicitaires de Tf1 circa 1977. Le bien nommé "I guess I'm floating" est construit sur un thème empruntant aux premiers explorateurs des paysages sonores. On pense alors au Brian Eno de Another Green Word ou Before and After Science.
Gonzalez reprend aussi les bons vieux réflexes qu'il avait inaugurés sur le premier album du groupe en associant des monologues à des nappes minimalistes ou à des rythmes de batterie alanguis, comme sur “Moonchild” ou encore sur l'inquiétant et bien nommé “Car Chase terror”.
Il serait cependant réducteur de limiter cet album à la suite logique de Dead Cities…, c'est-à-dire à une bande son idéal pour vieux fans nostalgiques de rock teuton planant. Sur quelques morceaux, Gonzalez entreprend de marcher sur les traces des hérauts d'un genre souvent décrié en son temps : le shoegazing. Ce mouvement a en fait été quasiment tué dans l'œuf suite à l'écrasant monopole de My Bloody Valentine.
Mais Kevin Shields a essaimé une foule de formations désormais devenues cultes, de Slowdive à Chapterhouse. Heureusement certains n'ont pas oublié ces seconds couteaux de la noisy-pop. Anthony est de ceux-là. Le single Don't Save us From The Flames marie l'évidence mélodique et les murs de guitares passés à la moulinette, le tout agrémenté de paroles qu'on jurerait sorties du "Crash" de Ballard ."Fields, Shorelines And Hunters" ainsi que " *" réitèrent ces guitares tourbillonnantes, et cathartiques.
Malgré les bonnes intentions, certains morceaux laissent dubitatif. "Can't stop" agace avec ses voix synthétisées à outrance et ses orgues qui sentent le vieux Tear For Fears poussiéreux. Idem pour les sonorités pompeuses de "Safe".
Malgré ces minces réserves, Before The Dawn Heals Us reste le disque ambitieux d'un garçon qui a désormais atteint sa vitesse de croisière dans la galaxie électro-pop française. |