A l'affiche du Théâtre Dejazet, cinq perles rares non formatées, talentueuses et pleines de tempérament, officient dans une vraie coméde musicale "Les Nonnesens". Difficile de résister au plaisir de les rencontrer.
Dans leur loge, elles sont déjà installées qui devant le miroir, qui à la table de repassage.
Comme il est de rigueur, l'interview de la Mère Supérieure (Dominique Nobles) s'imposait derechef. Hélas, celle-ci vaquait aux occupations de sa tâche en distribuant du thé de vieux garçon à ses nonnes avant de commencer à se substanter. Nous commençons donc par la Sœur Robert-Anne, Estelle Danière dans le civil.
Estelle Danière : J'ai commencé par une formation de danse classique quand j'étais enfant comme toutes les petites filles qui rêvent de devenir danseuse étoile. A l'adolescence, je me suis rendue compte que ce n'était pas du tout ma voie du fait de ma morphologie mais aussi parce que je n'étais pas assez douée. Je me suis orientée vers le music hall et je me suis retrouvée, assez jeune, à faire du cabaret comme le Paradis latin, des revues et du music hall pendant de nombreuses années, en tournée. J'ai participé aussi à de nombreuses émissions de télé parce que à cette période il y avait beaucoup de programmes en Italie, en Espagne qui recherchait des danseurs avec des spécialités un peu acrobatiques.
En plus, j'avais le goût des numéros dans lequel l'esthétisme était important donc ès je voyais un numéro un peu aérien, j'avais envie de le faire et donc j'ai fait un peu d'acrobatie. Puis, j'ai fait du chant et de la comédie pour arriver à la comédie musicale qui est une aventure qui me faisait rêver comme nous toutes ici, je pense. Voilà comment et pourquoi je me suis retrouvée aux auditions pour Nonnesens. J'ai été sélectionnée et je fais donc partie de cette équipe avec beaucoup de bonheur. Et ce projet vous a intéressé malgré l'absence de décos chamarrés, de plumes et de paillettes ?
Estelle Danière : Là résidait surtout mon intérêt parce que je projet différait complètement de ce que j'avais fait jusqu'à présent et dans lequel la parure et le décorum représentait 80% du spectacle. Et Nonnesens est différent également des comédies musicales que j'avais fait dans la mesure où là seul le visage est apparent, donc sans aucun artifice. Et puis je me retrouve avec des filles qui n'ont pas besoin de paillettes pour briller et d'être à la hauteur.
Vous ne vous connaissiez pas auparavant ?
Estelle Danière : Je connaissais un peu Dominique Nobles et de loin Caroline Roelands.
Nous interviewerons la mère supérieure (Dominique Nobles) plus tard car elle dîne. Passons au tour de la Sœur Amnésie (Christine Bonnard), en espérant qu'elle n'ait pas tout oublié.
Christine Bonnard : J'ai travaillé comme acheteuse d'art dans une agence de pub. Il y a 4-5 ans, j'ai décidé d'arrêter pour essayer autre chose avant de …. De ne plus pouvoir. Déjà je n'étais plus très jeune pour entrer dans ce métier où on commence très jeune. J'avais déjà pris quelques cours de chant et je me suis inscrite dans un cours de théâtre et trois ans après, à la sortie du cours j'ai passé une audition pour jouer Tintin et la temple du soleil, la comédie qui se montait en Belgique. J'étais prise pour le spectacle qui devait se jouer à Paris et qui en fait ne s'est pas concrétisé. Donc cela ne fait qu'un an que je suis dans le métier avec des opérettes et puis Nonnesens qui est un bonheur pour moi et qui me permet de jouer dans les 3 disciplines que j'adore, le chant, la danse et la comédie, et que j'ai fait au début par pure passion sans avoir pour but d'en faire mon métier. Et j'espère que cela sera mon métier le plus longtemps possible désormais.
Les rôles étaient-ils déjà prédéterminés lors du casting ?
Intervention de Caroline Roelands. Normal c'est Soeur Marie-Hubert la maîtresse des novices.
Caroline Roelands : A la fin de la première journée, il restait 10 comédiennes étaient retenues pour 5 rôles. Des photos avaient été prises, donc ils avaient déjà leur petite idée.
A votre tour.
Caroline Roelands : J'ai une formation de danseuse-danseuse. J'ai commencé un peu tard mas j'ai été formée en France et au Etats-Unis. A mon retour des Etats-Unis, j'ai tout de suite commencé à faire du théâtre musical. J'ai travaillé avec Alain Marcel dans la pièce "Kiss me Kate" montée pour le Grand Théâtre de Genève puis qui s'est joué au Théâtre Mogador. A l'époque je ne devais être qu'assistante chorégraphe. Quand j'ai vu la liste du casting qui concernait des filles et des garçons excellents danseurs, excellents chanteurs et qu'à l'époque je n'avais 22 ans….
Vous parlez toutes comme si vous aviez un âge canonique…
…sauf moi (intervient Léovanie Raud )
Caroline Roelands : …oui, toutes sauf elle, car elle c'est la novice donc c'est normal. Donc j'ai passé un deal avec la chorégraphe en lui disant que j'aimerais bien être sur scène. Emme m'a dit OK mais que je devais chanter. Je lui ai proposé de le faire passé le dernier jour du casting, le temps pour moi d'apprendre à chanter. J'ai fait passer les auditions de danse comme assistante et j'ai passé l'audition de chant et j'ai été retenue. J'ai donc fit ce premier spectacle. Pendant quelques années j'ai continué à faire la danseuse tout en gardant un pied dans le théâtre musical. La comédie musicale m'a toujours plu mais il est vrai qu'en France cela marche moyennement car ce n'est pas dans la culture du spectateur français.
J'ai travaillé avec Saverio Marconi qui est un metteur en scène italien qui était venu monter "Nine", "Sept filles pour 7 garçons" aux Folies Bergère. J'ai également travaillé en Suisse pour des créations pour enfants. Peu à peu la danse a été primé par le travail de chant et de comédie. Je suis venue à l'audition pour "Nonnesens" un peu en catastrophe, la veille pour le lendemain.
Je suis à vous lance la mère supérieure.
Profitons-en alors entre deux bouchées !
Dominique Nobles : Je suis la plus vieille comme toutes mes mère sup. J'ai commencé par la danse et c'est très très vieux ! Comme je mesure 1m51 on m'a conseillé de ne pas persévérer. La seule chose qui me restait était une bourse pour le Bolchoï. C'étaient les années Brejnev et mon père n'a pas voulu que je parte en Russe te je l'en remercie parce que aurais put être mal supporté l'exil deux ans. Au bout d'un moment, la danse ne me suffisait plus et j'ai commencé à chanter et à chanter beaucoup. J'ai gagné un concours de chant à Cannes et un voisin ma engagé pour chanter dans un spectacle de brecht. C'est ainsi que j'ai commencé la comédie musicale !
J'ai pris des cours de théâtre mais je chantais beaucoup. J'ai beaucoup fait de cabaret, à l'époque où il y en avait encore beaucoup, en première partie. J'ai entendu parler d'une audition pour "Barnum", j'ai été prise et j'ai retrouvé la directrice de danse qui m'avait formée. C'était en 1980. C'est ainsi que j'ai commencé la comédie musicale. Je n'ai pas eu à me plaindre car j'en ai fait beaucoup, beaucoup de succès comme "Miss Saïgon" à Londres qui s'est joué 10 ans et qui se joue encore, "Napoléon" avec Serge Lama et beaucoup de bides aussi, comme Barnum qui pourtant était une merville. Parallèlement, j'ai cherché à travailler comme chanteuse. Je crois que j'aurais très heureuse si à l'époque il y avait eu Star Ac, il ne faut pas que je le nie, car je voulais faire une carrière dans le disque pour, en fin de compte, faire de la comédie musicale. Je n'ai pas réussi mais ce n'est pas grave.
J'ai également fait beaucoup de café-théâtre et du théâtre dans des rôles comiques. Avec les comédies musicales, je ne faisais peu de rôles comiques. J'y reviens avec "Nonnesens" et j'en suis ravie car finalement j'adore faire rire. J'ai également fait du lyrique et je jouais des rôles comiques dans des opérettes bien montées, je précise, c'est-à-dire montées de manière comédie musicale et théâtrale. C'est par ce rôle que je suis revenue au comique. Vous venez de dire que vous avez beaucoup travaillé. Quel est le regard que vous portez rétrospectivement sur la comédie musicale en France ?
Dominique Nobles : C'est sans doute une question de qualité parce que les anglais sont beaucoup plus exigeants que nous. Paris, nous sommes 25 à savoir faire la comédie musicale. Et puis on n'a pas habitué les français à cela. Il y a eu l'opérette de grande qualité qui a tué la comédie musicale en France. Mais elle repart. Les jeunes auront leur chance. Nous, les gens de 40 ans nous avons fait des choses de grande qualité qui n'ont pas percuté.
Finissons par la petite jeune, la novice, Sœur Marie Léo (Léovanie Raud), qui s'affaire à repasser son plastron.
Léovanie Raud : J'ai commencé la danse classique à 3 ans et demie et j'en ai fait pendant une dizaine d'années. Je me suis ensuite dirigée sur le modern jazz parce que mon professeur était axée sur la comédie musical et mon corps changeait ce qui attirait les réflexions. J'étais au lycée et je faisais également du théâtre. Après le bac, je suis venue à Paris car je voulais chanter, danser et faire du théâtre. Je suis rentrée dans une école à la Bastille qui propose toutes ces formations. Il fallait choisir une option donc je pensais prendre danse et puis à l'audition, j'ai eu un déclic : Je voulais chanter. J'ai fait 3 ans d'école. J‘ai eu de la chance parce que dès le début j'ai été prise dans une pièce de théâtre ce qui fait que j'ai toujours travaillé en parallèle avec l'école.
J'ai également travaillé avec les ballets de Liège, dans "Plus belle que toi" le spectacle musical de Colette Roumanoff que nous avons joué 3 mois au Théâtre Fontaine l'an dernier et dans lequel je jouais Blanche Neige. En juin 2004, j'ai obtenu mon diplôme et j'ai été retenue pour Nonnesens en septembre. Et voilà. Je fais encore en ce moment quelques matinée avec Blanche Neige. J'ai également un rôle dans une nouvelle adaptation de Roméo et Juliette où je joue Lady Montaigu. Et je suis très heureuse puisque je fais ce que j'aime. Je veux faire des vraies comédies musicales. Quels sont les atouts de ce spectacle ?
Caroline Roelands : Le public semble las des méga productions où on chante sur des bandes. Dans Nonnesens nous sommes cinq qui faisons tout en live avec des musiciens en direct. C'est donc du vrai théâtre musical. La seconde chose, c'est de voir cinq bonnes soeurs partir en délire.
Dominique Nobles : Il faut dire aussi qu'il y a de vrais bêtes de scène sur scène, je ne dis pas cela pour moi (sourire), c'est pour mes copines et je le pense. Ensuite c'est une vraie comédie musicale, ce n'est pas du show bizz. Enfin, c'est très drôle et les français aiment rire et le côté interactif. Le côté comique fera que ça peut plaire plus que la comédie musicale. Je crains d'ailleurs ces termes de comédie musicale car j'ai trop vu de choses merveilleuses morfler et de merdes réussir. Tant qu'on fera des comédies musicales show bizz avec des gens plantés sur scène sans mise en scène. Il ne passe rien. Moi, au bout d'un moment je m'emmerde. Nous ne parlons pas le même langage. Il y avait une mise en scène dans les opérettes de Messager et d'Offenbach.
J'ai vécu à Londres et j'y ai vu les plus belles comédies musicales au monde. Les anglais savent faire. Ce n'est pas parce que c'est du musical qu'il s'agit d'un sous produit. Il faut arrêter ce côté théâtreux en France qui cloisonne. On fait le même métier et les anglais l'ont compris. Nous, il est temps !
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