Oui, un grand timide ce François Staal. Multi-instrumentaliste, compositeur, interprète, et écrivain de moult musiques de film à l’orchestre symphonique. Donc si son nom ne vous est pas familier, ses musiques ont le charme discret des odes intérieures composées pour lier des plans-séquences.
Un grand sensible qui parle avec les notes et se cache derrière les courbes rassurantes d’une guitare, pour interpréter ses propres compositions. L’irrespect est son quatrième album sans image. A vous de vous faire votre propre film pour accompagner la musique.
Pour vous donner le ton, le film aurait la langueur des films familiaux français. Sans l’ennui. Le romantisme en plus. Une sorte de balade nocturne dans une cité éclairée, absolument déserte. Tranquille et flippant. Dans la lignée de Bashung, donc de Baudelaire, donc de Dante, François Staal nous imagine son enfer, peuplé de bonnes intentions (évidemment).
"Soit sage, oh ma douleur, et tiens-toi plus tranquille", écrivait Baudelaire.
"Je t’aime et je crains de m’égarer", disait Gainsbourg.
"Je me suis laissé glisser, je me suis laissé toucher et mon réveil m’a terrassé", chantait François Staal.
Et oui. Lui aussi. Encore. Toujours. Inépuisable narrateur de passions enfouies. Inextinguible raconteur de duos échoués. Inexhaustible scénariste de ce que nous avons rêvé. Intarissable romancier à la plume enflammée. Ce foutu amour qui nous fait tourner la tête. Ce merveilleux amour pour qui nous allons au-delà de ce que nous avons toujours pensé être. Et ce ciel bas et noir qui menace à chaque instant. Foutue mélancolie. Magnifique vague à l’âme. Comme un boulet incurable à trainer. Comme un détachement mélodieux propice à la création.
François Staal chante tout ça, et un peu plus dans L’irrespect. Pourquoi ce titre d’ailleurs ? Manque de respect ? De quoi ? De qui ? De tout… L’irrespect serait l’exact antonyme de François Staal. Ses notes considèrent la femme, ses mots marquent une certaine déférence, ses rimes envisagent la fidélité et la sincérité, ses accords ont le souci de ne pas porter atteinte à l’Autre.
Pourquoi nommer un album contraire à ses aspirations ? Parce que François Staal est un doux rêveur, mais il n’en est pas moins réaliste. Vous avez levé les yeux de votre nombril dernièrement ? L’irrespect est de vigueur dans toute situation dans laquelle vous ne comptez pas y laisser de plumes. Ne soyez surtout pas sensible ni altruiste, vous serez faible. Marchez sur les pieds, écrasez la concurrence, faites votre trou, utilisez les autres pour creuser, installez-vous quand ils sont épuisés, attribuez-vous le mérite de leur travail. Soyez moderne. Be yourself.
This is le Blues. L’espoir que tout change un jour. La musique qui accompagne les papillons noirs. Les glissements entre désespoir et amertume. François Staal. Triste et beau. Amoureux et sombre. |